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Crouler sous les indicateurs

11 mars 2016

  • Guillaume Hébert

L’IRIS publiait hier une brochure sur les indicateurs de santé, notamment les indicateurs de performance censés améliorer le fonctionnement des établissements du réseau socio-sanitaire québécois.

Un sujet comme celui-là peut sembler un peu aride. Il n’en demeure pas moins qu’il permet de pousser plus avant des réflexions de l’IRIS sur l’introduction de la gouvernance entrepreneuriale au sein de l’État québécois. Au fil des ans, cette analyse de l’évolution du système de santé au Québec a permis de comprendre les transformations actuelles non pas comme des mesures parcellaires et désordonnées, mais comme un projet politique (néolibéral) cohérent. Après tout, qu’on parle d’indicateurs en particulier ou de gestion d’un réseau en général, tout cet appareillage est en fait une cristallisation de décisions politiques.

En matière d’indicateurs de santé, il faut d’abord admettre le déséquilibre. Qu’il s’agisse de la gestion axée sur les résultats, de la méthode d’optimisation Lean-Sigma ou encore du financement à l’activité qui s’implante peu à peu au Québec, le réseau socio-sanitaire produit de plus en plus d’indicateurs de performance au risque de perdre de vue qu’un indicateur est un instrument et jamais une fin en soi. Il s’agit d’une obsession nocive pour la quantification, surtout lorsqu’il s’agit de traiter des êtres humains.

On cherche ainsi à calculer comment de temps il faudra à une infirmière pour se rendre du point A au point B, combien de bandages sont posés par année, combien de temps doit-on consacrer à une personne en deuil, etc. On cherchera à déterminer, avec des calculs très complexes, combien coûte en moyenne un épisode de soin X afin de stimuler une forme de concurrence. On évaluera ainsi des gestionnaires et des établissements de santé sur des bases excessivement quantitatives.

Or, non seulement chercher à tout quantifier est impossible, c’est même contre-productif et tout ça a un coût. Les ressources humaines et financières consacrées à la production d’indicateurs de performance sont des ressources qui n’iront pas aux soins. Ainsi, seront notamment coupés les services les plus efficaces, à travers les politiques de santé publique, qui ont trait à la prévention et aux déterminants sociaux de la santé et qui sont prodigués à une population entière, avant qu’elle ne soit malade.

Corriger l’approche actuelle en santé est présentement impossible étant donné le contexte d’austérité dans lequel le Québec est pétri et qui fait passer la santé au deuxième rang derrière les impératifs budgétaires. La centralisation des pouvoirs aux mains du ministre de la Santé et des Services sociaux qui est déterminé comme pas un à développer la gouvernance d’entreprise au sein du réseau public (en plus d’un secteur privé grandissant) ne facilitera pas un renversement des tendances actuelles.

La réelle priorité du ministre Barrette devrait être d’accroitre la santé de la population et non d’accélérer la marche vers la gestion d’entreprise et la privatisation. Des politiques publiques – et des indicateurs en conséquence – qui chercheraient à améliorer la santé publique plutôt que d’individualiser les soins obtiendraient davantage de résultats favorables.

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