Un projet de société nommé lutte contre la faim
14 octobre 2014
Se tenait le 2 octobre dernier la journée sur la lutte contre la faim organisée par Moisson Montréal, cet organisme qui tente d’assurer un « approvisionnement alimentaire optimal aux organismes communautaires desservant les personnes en difficulté de l’île de Montréal » et de développer des solutions durables pour favoriser la sécurité alimentaire Moisson Montréal, lors de cette journée, avait organisé différents panels fort intéressants.
Lors d’un de ces panels, madame Carole Blanchet, chercheure à l’Institut National de Santé Publique du Québec (INSPQ), a présenté les résultats d’une étude sur l’évolution de l’insécurité alimentaire entre 2005 et 2012, disponible ici. Ce texte se veut une courte recension assortie de quelques commentaires.
La lecture du rapport de l’INSPQ n’est pas particulièrement encourageante. On y apprend que 8,1 % de la population du Québec en 2011-2012 souffrait d’insuffisance alimentaire.
Prévalence de l’insécurité alimentaire dans les ménages québécois en 2011-2012
On définit généralement la sécurité alimentaire comme « la possibilité pour un individu d’avoir un accès physique et économique permanent à de la nourriture de qualité et en quantité suffisante pour lui permettre de mener une vie active et saine en toute dignité » (p. 1) Cela revient à dire qu’alors que l’accès à la nourriture n’ait jamais été aussi simple dans nos sociétés, près de 1 personne sur 12 au Québec ne peut se nourrir décemment pour des causes principalement économiques. Il s’agit du plus haut taux depuis 2005 comme le montre le graphique suivant :
Prévalence de l’insécurité alimentaire dans les ménages québécois entre 2011 et 2012 par rapport à celle observée dans les autres ménages canadiens
Bien que lors des dernières années, le Québec avait réussi à se distancer des résultats canadiens en 2007 – 2008 (1,2 point de pourcentage de différence), entre 2009 et 2012 le Québec se rapproche de la moyenne canadienne. La prévalence de l’insécurité alimentaire est plus particulièrement élevée chez les personnes seules, où elle se situe à 11,5 % et, sans surprise, chez les familles monoparentales (14,6%).
Prévalence de l’insécurité alimentaire dans les ménages québécois en 2011-2012 selon certains facteurs démographiques
Pire encore, lorsque l’on regarde cette statistique pour les enfants uniquement, la situation est déplorable. 14,6 % des enfants vivent en situation d’insécurité alimentaire au Québec. Si l’on ajoute l’insécurité alimentaire marginale (qui correspond à une méthode de calcul moins stricte de classification expliqué ici, mais plus exacte selon madame Blanchet), cette statistique grimpe à 16,4.
Proportion d’adultes et d’enfants québécois en 2011-2012 selon la situation de sécurité alimentaire du ménage dans lequel ils vivent
Quelques commentaires épars
On sait que le travail ne garantit pas une sécurité alimentaire viable au Québec. Selon le Bilan Faim 2013, un sondage compilé par les banques alimentaires du Québec, 10,2 % des personnes aidées avaient un emploi comme principale source de revenus.
Principales sources de revenu des personnes aidées par les banques alimentaires québécoises
Sources : Bilan Faim 2013
La pauvreté (extrême) reste donc une réalité bien présente au Québec. Cette situation est d’autant plus déplorable que par souci marketing on gaspille planétairement 1,3 milliard de tonnes de nourriture annuellement. Dans ce contexte, il est effarant, dans un pays développé (ou partout ailleurs), que la difficulté de se nourrir soit encore une réalité .
Que peut-on faire?
Voici quelques idées bien personnelles. Tout d’abord questionner les effets des coupures (annoncées?) sur les plus démunis semble un bon départ. Ensuite, considérer la lutte contre la faim comme un véritable projet de société et arrêter de mettre des bâtons dans les roues des groupes communautaires à travers d’interminables et incessantes demandes de subvention. Pourquoi ne pas plutôt offrir aux groupes communautaires une certitude de financement (ne serait-ce qu’à moyen terme)? Cela permettra d’offrir un support aux groupes de première ligne et permettre une politique d’autonomisation constante.
Émettre des lois contre le gaspillage de la grande surface en épicerie et s’assurer que les vivres non périmés ne sont pas mis aux poubelles me semblent de bonnes idées. Bref, il existe des solutions (les miennes sont probablement imparfaites), tout ce qui manque c’est la volonté politique.