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Les artistes seraient-ils devenus les nouveaux mécènes de la culture au Québec?

1 novembre 2014

  • FF
    Francis Fortier

Il existe deux caractéristiques pour qu’une idée soit considérée comme un mythe. La première, c’est que celle-ci ne possède aucun fondement empirique, c’est-à-dire qu’elle est imaginaire. La seconde, le mythe est une croyance si forte qu’une société peut éventuellement la considérer comme une réalité. C’est exactement la définition que l’on peut attribuer à plusieurs idées entourant le travail des artistes. Il nous est tous arrivé d’entendre dire, le plus sérieusement du monde : «Les artistes, ça travaille pas ce monde-là», « Un artiste ça ne fait pas du vrai travail», «C’est juste des parasites qui vivent au crochet de la société» ou encore la triste célèbre affirmation : «Des os&*! de gratteux de guitare». L’IRIS s’est penché sur l’organisation et les conditions de travail des créatrices, créateurs, artistes et artisan.e.s de l’audiovisuel dans une nouvelle note de recherche intitulée : « Le travail des artistes est-il payé à sa juste valeur? ». Dans cette note, nous exposons, en plus des conditions de travail des artistes de l’audiovisuel (nous utilisons artistes pour nommer tant les auteurs, les scénaristes, les techniciens, les auteurs, les réalisateurs… pratiquement tout le monde qui travaille dans l’audiovisuel) leur investissement en temps non-rémunéré et en argent pour s’assurer du dynamisme de la culture au Québec.

Il est vrai que les gouvernements financent la culture, mais avec les coupures du gouvernement Harper et les coupures de 20% des crédits d’impôt du gouvernement du Québec, cette tendance n’est donc pas à la hausse, ce qui n’est pas nécessairement encourageant. Surtout qu’à la suite de l’analyse des données que nous avons recueillies, nous nous sommes rendus compte qu’une partie du manque à gagner en termes d’investissement est pris en charge par les personnes qui travaillent dans ce domaine. Et pour ceux qui croient que l’économie va régler par elle-même le problème en éliminant les «produits» culturels non-viables, nous les inviterions à lire l’économiste Pierre Fortin à cet effet, qui nous explique que « L’affirmation malheureusement répandue selon laquelle les entreprises culturelles locales qui ne passent pas le test de la rentabilité marchande pure devraient disparaître contredit non seulement le gros bon sens, mais également tous les canons de la science économique contemporaine appliqués au secteur culturel. »

Comment se décline l’investissement des artistes dans le secteur de l’audiovisuel? Dans un premier temps, les artistes travaillent en moyenne 3,2 heures par semaine sans être payés. Ce qui fait environ 5 semaines par année pour lesquelles ils ne reçoivent pas, et ne recevront jamais, une compensation monétaire. Ensuite, c’est près d’un projet (ce sont des projets artisanaux) sur cinq (20,9%) de tous les projets (même ceux ayant un producteur ont été calculés) qui ont nécessité un investissement de la part des artistes. L’investissement moyen des artistes est de 2048$, et pour 20% de ces investissements, il a fallu que les artistes empruntent pour investir. Et il ne faut pas oublier que le revenu médian des artistes de l’audiovisuel n’est que d’environ 30 000$, ce qui est 7000$ plus bas que dans la population en général.

Il est difficile de savoir combien d’investissement en temps et en argent est ainsi injecté dans l’ensemble du secteur de l’audiovisuel par les artistes eux-mêmes. Mais une estimation conservatrice nous donne un montant variant entre 10 et 13 millions de dollars annuellement. Il n’est pas normal que ce soit les personnes qui travaillent dans un domaine qui doivent autant prendre en charge le financement de ce secteur. De plus, avec un montant aussi important, c’est à se demander si les mécènes les plus importants en culture ne sont pas justement les créatrices, créateurs, artistes et artisan.e.s de l’audiovisuel.

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