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Une crise qui n’épargne pas les organismes communautaires

17 avril 2020

  • Anne Plourde

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les organismes communautaires – aux prises avec une augmentation soudaine des besoins, un financement insuffisant pour y faire face et une diminution importante de leur personnel en raison des nouvelles règles de confinement – tentent de poursuivre un travail essentiel dans des conditions très difficiles. Si du financement supplémentaire a été consenti dans certains secteurs (hébergement pour femmes victimes de violence, aide alimentaire, itinérance), le milieu communautaire attend toujours un rehaussement global du financement qui permettrait de répondre à l’ensemble des besoins. Cette situation est symptomatique de tendances déjà bien présentes avant la crise et rappelle l’urgence de rehausser de manière substantielle et durable le financement à la mission des organismes communautaires.

Dans les dernières semaines, quelques initiatives ont été mises en place pour aider les organismes communautaires à poursuivre leur mission, d’autant plus essentielle en situation de crise sanitaire : fonds d’urgence de Centraideappel au bénévolat lancé par le gouvernement Legault, création d’un portail visant à jumeler l’offre de services avec les besoins des organismes d’aide, hausse de financement pour certains secteurs, etc. Les organismes communautaires peuvent également bénéficier de certaines des mesures de soutien au revenu ou aux entreprises annoncées par les deux ordres de gouvernement.

Au niveau provincial, les travailleuses et les travailleurs du milieu communautaire – qui sont souvent payés à des niveaux proches du salaire minimum – pourront ainsi bénéficier (à partir de la fin du mois de mai) de la prestation (temporaire) de 100$ par semaine offerte par le Programme incitatif pour la rétention des travailleurs essentiels. Au niveau fédéral, les organismes communautaires peuvent réclamer la subvention salariale d’urgence de 75% adoptée dans les derniers jours, mais seulement s’ils sont en mesure de démontrer une perte de revenus de 30%. Cette condition, particulièrement mal adaptée à la structure de financement des organismes à but non lucratif, a d’ailleurs été dénoncée par plus de 300 OBNL canadiens, qui ont réclamé en vain qu’elle ne s’applique pas dans leur cas.

Malgré ces diverses mesures, ce qui frappe surtout est l’absence d’aide financière globale pour un secteur sur lequel l’État s’est pourtant lourdement déchargé au cours des dernières décennies. Or, cette difficulté pour le milieu communautaire d’obtenir un financement conséquent n’est pas nouvelle. En effet, bien qu’il ait absorbé une large part des besoins délaissés par l’érosion des services publics et des programmes sociaux, il souffre depuis longtemps d’un sous-financement chronique.

Ainsi, alors que les organismes communautaires du secteur de la santé et des services sociaux chiffrent actuellement leurs besoins de base à 370 millions par année, c’est un montant d’à peine 40 millions qui leur a été consenti dans le dernier budget Legault, qui pouvait pourtant compter sur un surplus de 2 milliards de dollars. Pour l’ensemble des organismes communautaires autonomes, ce sont 75 millions qui ont été annoncés, alors que les besoins sont évalués par le milieu à 460 millions annuellement.

Plus profondément, la fragilisation du mouvement communautaire et de sa capacité à faire face à la crise actuelle prend aussi racine dans la tendance des bailleurs de fonds – et notamment des gouvernements – à favoriser le financement par projet au détriment du financement à la mission, comme le concluait en 2013 une étude de l’IRIS. Alors que le premier est un financement ciblé, lourd en démarches bureaucratiques et en reddition de compte, le second correspond au financement de base qui permet aux organismes communautaires de remplir leur mission globale et de répondre aux besoins – parfois imprévisibles – qui se manifestent. Dans le contexte actuel, l’augmentation substantielle et la pérennisation d’un tel financement sont plus nécessaires que jamais.

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