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Trois stratégies anti-gentrification

23 janvier 2019

  • Guillaume Hébert

La frénésie immobilière qui a gagné plusieurs villes canadiennes au cours des dernières décennies et qui n’a pas épargné Montréal est devenue l’objet de préoccupations, voire d’affrontements, lorsqu’il est question d’enjeux tels que la gentrification des quartiers centraux. Depuis les années 2000, l’évolution du marché de l’immobilier a entraîné une hausse des constructions de condominiums et de logements de luxe, tout en favorisant diverses stratégies de reprise de logement par les propriétaires. Il en résulte une baisse du logement locatif à prix raisonnable à Montréal.

L’IRIS met de l’avant trois mesures pour permettre à Montréal de s’attaquer à ce problème.

1- Procéder à la mise en réserve de bâtiments

Le premier moyen dont dispose la Ville de Montréal est celui de mettre en réserve des terrains et bâtiments pour fins publiques. Cette mesure permet à la municipalité de suspendre tout développement sur ces sites et éventuellement de s’en porter acquéreur par achat ou expropriation. La Ville pourrait ainsi retirer des terrains et bâtiments du marché (les mettre en réserve) et mieux contrôler leur utilisation ultérieure pour qu’elle réponde davantage aux besoins de la collectivité.

Il est envisagé depuis un certain temps que Montréal ait recours à ce pouvoir pour favoriser la construction de logements sociaux et communautaires. Dans le contexte actuel de transformation rapide des quartiers situés près du centre-ville, nous croyons que l’administration pourrait également utiliser cette mesure pour mieux protéger le droit des locataires au maintien dans les lieux. La Ville pourrait, par exemple, soustraire définitivement certains immeubles locatifs du marché ou encore interrompre des transactions sur ceux-ci afin d’atténuer les pressions spéculatives dans le secteur visé.

2- Rendre l’octroi de permis conditionnel à la sauvegarde du logement locatif à coût moindre

En 2017, les municipalités du Québec se sont vues accorder un nouveau pouvoir dont elles pourraient également se servir pour protéger le logement locatif. Les villes peuvent désormais rendre l’obtention d’un permis de construction conditionnelle à l’engagement du demandeur à se conformer aux orientations de chaque municipalité en matière de développement résidentiel. Une telle entente peut notamment établir le nombre de logements abordables à prévoir sur le site, leurs dimensions, le nombre de pièces que l’on y retrouvera, en plus d’établir des règles visant à assurer le caractère abordable des logements pour une durée déterminée.

Cette mesure a initialement été conçue pour donner la possibilité aux villes d’obliger les promoteurs de grands projets résidentiels, habituellement de condos, à y inclure un certain nombre de logements sociaux et abordables. Nous estimons cependant que rien n’empêcherait les municipalités de se prévaloir également de ce droit pour intervenir dans des projets de transformation d’immeubles qui pourraient mener à l’évincement des occupants et à la conversion de ces immeubles en copropriété.

3- Utiliser le zonage pour préserver la tenure locative

Une autre avenue possible serait d’utiliser le pouvoir de « zonage » des municipalités pour imposer la tenure locative dans des zones résidentielles préalablement identifiées comme comportant des risques plus élevés de conversion et d’érosion du parc existant. Une telle mesure ne conviendrait pas nécessairement aux principes encadrant l’exercice du droit de propriété inscrit dans le Code civil du Québec. Nous proposons la création d’une nouvelle catégorie de zonage résidentielle qui ferait en sorte que, dans un secteur zoné « locatif », les logements offerts en location au moment de la mise en œuvre de cette mesure devraient le demeurer. Les maisons unifamiliales, les condos ou les logements déjà occupés par leur propriétaire pourraient continuer de l’être, de la même façon que les propriétaires conserveraient leurs droits prévus au Code civil. Ce type de zonage aurait surtout pour effet de proscrire la transformation effrénée de logements en copropriété.

Ces trois instruments, dont dispose déjà une ville comme Montréal, permettraient aux autorités d’agir contre un marché immobilier souvent perçu comme une force contre laquelle rien ne peut être fait. Une action vigoureuse dans la métropole québécoise rappellerait que bien que notre système juridique et économique accorde de vastes pouvoirs aux propriétaires et aux investisseurs, l’intérêt collectif ne devrait jamais se subordonner au leur au moment de développer des villes où il fait bon vivre.

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