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Trois choses à surveiller dans la mise à jour économique

22 novembre 2018

  • Guillaume Hébert

Mercredi, la mise à jour économique du gouvernement fédéral sera l’avant-dernière opportunité qu’aura le ministre Morneau de se faire valoir avant la tenue des prochaines élections fédérales. Il faut s’attendre à ce que le budget qu’il déposera début 2019 contienne un certain nombre de cadeaux — année électorale oblige —, mais tout semble indiquer que la mise à jour, elle, ne sera pas un événement qui passera à l’histoire.

1) Le déficit sera-t-il très petit ou miniature ?

Avec un déficit qui devrait friser les 20 milliards de dollars, on pourrait croire que le ministre Morneau met le gouvernement dans l’eau chaude. Cependant, à moins de 1 % du PIB, le déficit du gouvernement fédéral est minuscule. Il est si minuscule que ces déficits n’empêchent pas la dette de diminuer lorsqu’on la compare à la taille de l’économie.

Bien entendu, les commentateurs — en particulier les plus conservateurs — s’emporteront et leur rhétorique visera à nous faire croire à une crise des finances publiques. Cette campagne de peur s’apparente bien davantage au mécanisme de fake news qu’à celui d’un constat lucide sur les finances de l’État. En effet, alors que le taux de chômage est le plus faible en 40 ans, que le PIB connaît la croissance la plus importante des pays du G7, et que l’endettement public est le plus bas parmi ce même groupe sélect, il est difficile de garder son sérieux lorsqu’on cherche à monter en épingle le minuscule déficit du budget.

Évidemment, on peut, et on doit, déplorer de nombreuses politiques économiques du gouvernement fédéral actuel, de l’achat de pipelines à sa volonté de ne pas taxer adéquatement Netflix, mais selon les standards actuels de la gestion technocratique néolibérale, le ministre des Finances s’en tire bien.

2) Morneau cédera-t-il au chantage du monde des affaires ?

Bill Morneau profitera-t-il de la mise à jour économique pour offrir des baisses d’impôts comme aux États-Unis sous prétexte de demeurer compétitif ? C’est, sans surprise, la demande du monde des affaires. Rappelons qu’au Québec, Carlos Leitão avait profité des surplus récoltés par l’effet combiné des politiques d’austérité et de la reprise étasunienne pour annoncer des baisses d’impôts (aux particuliers) lors de sa mise à jour économique de 2017. Donc, techniquement, Bill Morneau pourrait le faire.

Mais les signaux venus du gouvernement semblent indiquer que le ministre Morneau ne va pas emboîter le pas à l’administration Trump aux États-Unis en privilégiant des mesures ciblées pour encourager l’investissement plutôt que des baisses d’impôts. D’ailleurs, il n’est pas le seul à douter des bienfaits de l’approche trumpiste en vertu de laquelle des baisses d’impôts massives provoqueraient des investissements, de la création d’emplois et des hausses de salaire favorables à tous et toutes. Les baisses d’impôts tendent plutôt à favoriser la concentration de la richesse et une telle approche sera difficile à défendre pour le gouvernement Trudeau qui s’est targué d’être celui de la classe moyenne et de la justice fiscale.

3) Morneau modifiera-t-il son approche pour la taxation du carbone ?

En environnement, le gouvernement Trudeau se retrouve dans une position intenable. D’une part, il claironne être le gouvernement de la transition écologique et de l’autre, il rachète un pipeline à l’entreprise privée pour finir de le construire lui-même.

Pour toute réponse au défi climatique, le gouvernement compte instaurer à partir de 2019 une taxe carbone de 20 $ par tonne de carbone émise dans les provinces qui, contrairement au Québec, n’ont pas de système de tarification du carbone. Dans les provinces comme l’Ontario, l’implantation de ce système coûtera en moyenne 244 $ de plus par familles. Pour ne pas susciter la grogne, le gouvernement Trudeau a décidé de compenser les familles dans les provinces concernées à hauteur de 300 $ par années. Selon lui, 8 familles sur 10 recevront plus d’argent qu’elles n’en payeront. C’est une logique tordue qui fera des heureux et des mécontents.

Au Québec, on se questionne à savoir si l’on pourra recevoir une part de ces suppléments familiaux puisque le gouvernement québécois a mis en place un marché du carbone en 2013 et qu’il n’a été compensé par personne pour cette initiative. Pour le moment, rien n’annonce que le Québec sera dédommagé, c’est du moins ce qu’a laissé croire la réaction de la nouvelle ministre de l’Environnement qui a récemment repoussé les frontières de l’expression « ne pas maîtriser ses dossiers » lorsque des journalistes l’ont interrogée sur cette question. Peut-être que le ministre Morneau pourra l’éclairer.

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