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Salaire minimum à 15$/h: pas de bombe atomique

2 novembre 2016

  • Raphaël Langevin

La proposition d’une hausse du salaire minimum à 15 $ de l’heure fait débat depuis des mois. Alors que certains invoquent la « décence » afin de justifier la proposition, d’autres ne versent pas dans la dentelle en affirmant que cela aurait l’effet d’une « bombe atomique » sur l’économie québécoise. Nous avons voulu y voir plus clair en publiant hier une étude sur le sujet.

Actuellement, les lobbies qui représentent le milieu des affaires n’y vont pas de main morte et parlent de scénarios « catastrophiques » pour les PME advenant une hausse du salaire minimum. Les entrepreneurs craignent de devoir fermer leurs portes si on hausse le salaire minimum. Dans un contexte où leur marge bénéficiaire est petite, plusieurs prétendent être incapables d’assumer une forte hausse de leur coût de main-d’œuvre. Une analyse rigoureuse de la réalité de l’économie québécoise leur donne tout simplement tort. Pourquoi donc?

Si le salaire de plus d’un million de personnes au Québec augmente après une hausse du salaire minimum, c’est aussi la consommation et les ventes des entreprises en général qui augmenteront. Or, on sait depuis quelque temps que c’est la consommation des ménages qui est le principal moteur de la croissance économique.

Si l’économie québécoise n’entre pas dans un état de crise économique prolongée en ce moment, c’est grâce à la consommation des ménages. Une hausse du salaire minimum peut donc être une bonne façon pour les propriétaires de PME d’augmenter leur chiffre d’affaires. De plus, on sait aussi que la hausse du salaire minimum ne ferait que mieux redistribuer les gains de productivité réalisés depuis les 30 dernières années, gains dont la grande majorité de la population québécoise n’a jamais vu la couleur.

Une des conclusions intéressantes présentées dans notre étude concerne justement lien entre la hausse du salaire minimum et le taux de fermetures des très petites entreprises québécoises. Dans les 15 dernières années (les données ne reculent pas plus loin), le plus faible taux de fermetures observé au Québec pour les entreprises qui emploient moins de cinq personnes est survenu en 2010, soit à la fin d’une période où le salaire minimum a augmenté de 19 % sur trois ans, et ce, malgré la faible reprise économique après la crise de 2008.

Par ailleurs, l’augmentation du salaire minimum à 15 $ l’heure implique une hausse relative de 40 % par rapport à son niveau actuel. L’étaler sur six ans imiterait le rythme de la hausse entre 2008 et 2010. Il n’y a donc aucune raison de croire que cela ferait augmenter davantage le taux de fermetures des petites entreprises québécoises.

Il importe de bien saisir la logique économique derrière une telle observation. La croissance est présentement famélique : le Fonds monétaire international (FMI) abaissait dernièrement les perspectives de croissance au Canada et que le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, s’est enorgueilli d’une croissance provinciale prévue aussi faible que 1,4 % en 2016 et 1,5 % en 2017. Dans ce contexte, la pire voie à prendre est celle faisant peser la responsabilité de cette faible croissance sur les salaires des individus, surtout ceux et celles au bas de l’échelle salariale.

Cette direction condamne des dizaines de milliers de personnes à la précarité même si elles possèdent un emploi. Elle condamne aussi l’économie québécoise à ne jamais sortir du cercle vicieux combinant faible salaire, faible croissance et faible niveau d’investissement (privé comme public) dans lequel nous sommes empêtrés depuis la crise de 2008.

Et nous ne sommes clairement pas seuls à être dans cette situation. Ce n’est donc pas surprenant de voir la présidente du FMI, Christine Lagarde, militer pour une hausse du salaire minimum à la grandeur des États-Unis. Espérons que, pour cette fois-ci spécialement, nous prendrons au sérieux les recommandations du FMI…

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