Icône

Aidez-nous à poursuivre notre travail de recherche indépendant

Devenez membre

Québec peut hausser ses revenus pour faire face à la crise

23 juin 2020


Vendredi dernier, le gouvernement du Québec a présenté un portrait de la situation financière et économique de la province. Le ministre des Finances Eric Girard a confirmé ce qu’il annonçait depuis longtemps : la crise économique provoquée par la COVID-19 va créer un trou de 15 milliards de dollars dans les coffres de l’État québécois. Le ministre s’attend par ailleurs à ce que le retour à l’équilibre budgétaire prenne de 3 à 5 ans. Ce déficit de 15 milliards s’explique de deux manières : une hausse des dépenses liée aux besoins nouveaux créés par l’épidémie (+11,4% des dépenses de portefeuille des ministères) et une baisse des revenus fiscaux engendrée par le confinement et la baisse des activités économiques (-6,3%). Le PIB réel devrait se contracter de 6,5% en 2020, puis reprendre son rythme de 2019 dès la fin de l’année prochaine.

Dans un contexte de négociations des conventions collectives du secteur public, le gouvernement ne sait pas sur quel pied danser : d’un côté, il aime rappeler que la gestion serrée des dépenses publiques des dernières années a permis au Québec de se retrouver dans une position enviable au début de la pandémie, alors que les objectifs de réduction de la dette à 45% du PIB furent atteints presque 5 ans plus tôt que prévu. Le ministre Girard a d’ailleurs tenu à rappeler que le Québec « a les reins extrêmement solides » pour affronter la crise.

D’un autre côté, le gouvernement ne veut pas laisser entendre que l’État a les capacités d’accéder aux demandes des syndicats autour de la table de négociations. Il prend donc la peine de répéter que le Québec est suffisamment taxé et que le retour à l’équilibre budgétaire ne saurait se faire par l’augmentation des taxes et impôts. Le gouvernement ne peut pas non plus proposer de sabrer les dépenses de l’État, au moment où les besoins en services à la population se font criants et où le capital de sympathie pour les employées du réseau de la santé et des services sociaux est à son plus haut. Les ministres Girard et Dubé ont donc dû répéter à plusieurs reprises que le retour à l’équilibre budgétaire ne passerait pas non plus par des mesures d’austérité.

Malheureusement, le diable est toujours dans les détails. Dans ce cas-ci, le gouvernement semble jouer sur les mots, puisqu’il mise tous ses efforts de retour à l’équilibre sur le « contrôle des dépenses ». Or, personne ne semble se donner la peine de définir ce que cela peut bien vouloir dire, concrètement. Est-ce qu’on parle ici de ne pas augmenter les dépenses plus rapidement que l’inflation, que les coûts de système ou que les besoins de la population? Un monde sépare ces trois différents scénarios et seul le dernier, qui prendrait en compte l’évolution manifeste des besoins de la population en santé, nous protégerait d’une nouvelle vague d’austérité. Il serait toutefois surprenant que ce soit ce que le gouvernement ait en tête, puisque les dépenses de programme en santé et services sociaux représentent déjà presque la moitié du budget de l’État et qu’il n’a pas l’intention d’augmenter aucune taxe ou impôt.

Pourtant, à ce chapitre, on a encore de la marge. Le gouvernement aime bien parler de la fiscalité des ménages comme si elle devait les affecter tous de la même manière. Or, comme je l’avais mentionné dans un précédent billet, les défis que pose la crise de la COVID-19 pourraient être relevés principalement en taxant les plus grandes fortunes. À ce propos, le Directeur parlementaire du budget (DPB) à Ottawa a révélé la semaine dernière que le 1% le plus riche possède 25,6% de la richesse totale au pays, soit deux fois plus que les précédentes estimations qui utilisaient une méthodologie moins détaillée. Ces chiffres ne donnent par ailleurs même pas un portrait complet de la situation, puisqu’ils ne prennent pas en compte les avoirs cachés dans les paradis fiscaux. À eux seuls, ces membres sélects du 1% possèdent environ 3 000 milliards de dollars, soit près de 8 000 000 $ par personne.

Autres statistiques intéressantes : les revenus après impôt et gains en capital du 0,01% des individus (environ 440) qui gagnent le plus au Québec s’élevaient en moyenne à environ 5 millions de dollars, pour un total de 2,2 milliards de dollars pour ce groupe. Ceux des 0,1% les plus fortunés? 1,35 million de dollars en moyenne, pour un total de 6 milliards de dollars. Les revenus du 1%? 400 000 $ en moyenne, pour un total de près de 18 milliards de dollars. Ces personnes peuvent bien s’imaginer mériter chacun de ces dollars jusqu’à la dernière cenne, mais les temps exceptionnels que nous vivons justifient parfaitement qu’on leur en demande un peu plus. Pendant ce temps, les 99% les moins riches empochaient de leur côté 35 700$ en moyenne après impôts et gain en capital. S’il manque quelques milliards pour boucler le prochain budget, on voit très bien où il y a du lousse.

Icône

Restez au fait
des analyses de l’IRIS

Inscrivez-vous à notre infolettre

Abonnez-vous