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Pour Ramani, Kadiatou, Margarita, Dina et Nadège

9 juin 2017


Qu’elles s’appellent Ramani, Kadiatou, Margarita, Dina ou Nadège, qu’elles viennent de l’Inde, de la Guinée, du Salvador, du Maroc ou d’Haïti, qu’elles habitent au Québec depuis plus de dix ans ou qu’elles soient immigrantes récentes, les femmes venues d’ailleurs, tout comme les Québécoises établies ici depuis des générations, peuvent subir des violences nécessitant le recours aux services des maisons d’hébergement. Malgré certains préjugés tenaces laissant croire le contraire, les hommes qui violentent femmes et enfants sont de toutes les origines, de toutes les classes sociales et aucune culture n’a le monopole de la violence. Au Québec, la récente augmentation du nombre de femmes immigrantes fréquentant les maisons d’hébergement correspond à l’augmentation des personnes issues de l’immigration dans la population générale.

C’est à la lumière des considérations précédentes qu’il faut prendre connaissance de l’étude que l’IRIS publie cette semaine relativement aux résultats de ses recherches sur le sous-financement, voire le non-financement de l’intervention dans les maisons d’hébergement auprès des femmes immigrantes vivant une situation de violence. Le fait que la violence touche toutes les femmes ne signifie pas que toutes sont affectées de la même façon ou que les interventions des maisons d’hébergement doivent être les mêmes pour toutes les femmes. En effet, les intervenantes en maison d’hébergement doivent offrir un soutien psychosocial et un accompagnement adapté aux femmes ayant un statut précaire, à celles dont les enfants ont des difficultés d’adaptation au système scolaire québécois ou à celles qui subissent des discriminations quand vient le temps de se trouver un logement ou un travail. Ceci nécessite du temps et des ressources qui font cruellement défaut aux maisons d’hébergement.

 

Afin de bien saisir le manque de ressources financières des maisons que représente le non-financement de l’intervention auprès des femmes immigrantes, nous avons établi le nombre d’heures nécessaires afin d’offrir les services requis et adéquats pour un suivi complet de ces femmes. Pour les femmes immigrantes non allophones (qui possèdent une maîtrise de base en français), les maisons d’hébergement devraient effectuer 18 h de plus que le temps moyen d’intervention par semaine par femmes immigrantes qui ont besoin de leurs services. Le nombre d’heure augmente à 29,2 h lorsque nous étudions les femmes immigrantes allophones. Malgré le fait qu’il n’existe pas de financement spécifique lié à l’intervention auprès des femmes immigrantes pour les maisons d’hébergement, les maisons tentent tant bien que mal d’offrir des services équitables aux femmes immigrantes. Par contre, malgré les heures effectuées, nous sommes loin d’une intervention complète et adéquate. Le manque pour les femmes immigrantes (excluant les allophones) est de près de 11 h par semaine par femme, alors qu’il est de 17 h pour les immigrantes allophones.

 

Au regard des heures effectuées et des heures nécessaires, nous soulevons un problème important : il est évident que l’écart entre les heures effectuées et les heures nécessaires fait en sorte que les femmes immigrantes ne reçoivent pas les services dont elles ont besoin. C’est la raison pour laquelle nous concluons que le sous-financement des maisons d’hébergement aggrave la marginalisation des femmes immigrantes qui, avant même de se retrouver dans une situation de violence, se trouvent dans des situations de discriminations multiples propres à l’organisation de notre société. Cette organisation sociale relève des politiques d’austérité qui réduisent le filet de protection sociale et affectent tout particulièrement les personnes plus vulnérables qui sont carrément invisibilisées dans un contexte où il n’y a pas de ressources pour aider les personnes se trouvant à l’intersection de différentes oppressions.

Lors de nos recherches, nous avons également été confrontés à la réflexion sur la marginalisation et les défis d’intervention pour les maisons d’hébergement auprès des femmes autochtones. Nous sommes conscient·e·s que les enjeux auxquels font face les femmes autochtones ne sont pas les mêmes qui affectent les femmes immigrantes et, surtout, que ces enjeux se sont développés sur des bases historiques et juridiques complètement différentes. Nous soulignons plutôt le manque de financement pour l’intervention auprès des femmes autochtones dans des maisons qui ne sont pas spécialisées dans l’intervention auprès de ces femmes. Actuellement, les maisons d’hébergement n’effectuent que 3,9 h d’intervention par semaine des 19,7 h hebdomadaires nécessaires par femme autochtone. Tout comme pour les femmes immigrantes, cette différence est importante.

Dans les deux cas, celui des femmes immigrantes et des femmes autochtones, les maisons doivent dégager des ressources humaines (personnel intervenant) et financières (interprétariat, frais d’avocat…) pour leur offrir des services. En dégageant de telles ressources, les maisons se doivent de diminuer d’autres dépenses. Souvent, les compressions se font dans les charges salariales (salaire, vacances…) et dans la formation (formations pour l’intervention auprès des femmes immigrantes, entre autres).

La principale raison pour laquelle les maisons d’hébergement ne peuvent effectuer de suivi complet et adapté pour les femmes immigrantes, mais également pour les femmes autochtones, est une question de financement. Pour remédier à cette situation, il en couterait actuellement 12,5 M$ annuellement pour offrir des services équitables pour les femmes immigrantes, et 1,6 M$ pour les femmes autochtones.

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