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Pas si déficitaire, le Québec

24 novembre 2014

  • PB
    Pierre Beaulne

Le 19 novembre dernier, Statistique Canada publiait des données sur les finances publiques des provinces canadiennes pour la période de 2008 à 2012. L’événement est passé complètement inaperçu dans les médias québécois. Pourtant, c’est la première fois depuis 2009 que des données plus à jour sont présentées, ce qui revêt un intérêt certain. En effet, Statistique Canada présente des données fondées sur une même méthodologie pour toutes les administrations publiques, ce qui rend les comparaisons possibles, alors que les pratiques comptables sont fort diversifiées. Qu’est-ce qui en ressort ?

Avant de poursuivre, il faut rappeler que Statistique Canada est engagé depuis quelques années dans une révision majeure des comptes économiques afin de les adapter aux normes internationales du FMI en la matière. Le dernier volet qui reste à peaufiner concerne justement les finances des administrations publiques. C’est ce qu’a commencé à livrer Statistique Canada en fournissant des données qualifiées de provisoires. Celles-ci comprennent, pour chaque ordre de gouvernement, tous leurs revenus et leurs dépenses, sauf les dépenses d’amortissement. Divers ajustements doivent encore être apportés afin d’intégrer ces données dans le système canadien de comptes macro-économiques. Pour avoir un juste portrait, il reste notamment à éliminer le double comptage, afin de tenir compte des transferts entre gouvernements. Des révisions des données seront produites au fur et à mesure que ces ajustements seront effectués.

Dans cet exercice, plusieurs changements conceptuels et statistiques sont apportés. Une des notions les plus importantes introduite est celle de solde brut de gestion. Selon les indications fournies : « le solde brut de gestion est égal aux recettes moins les charges (autres que la consommation de capital fixe) et est utilisé pour mesurer la viabilité des opérations des administrations publiques. Plus le solde brut de gestion est élevé, moins l’administration publique devra emprunter pour financer ses acquisitions d’actifs non financiers et plus elle aura de souplesse pour fournir les services courants au public ». Dit autrement, il s’agit du solde budgétaire excluant les amortissements.

Cela étant, voici quelques constats qui se dégagent de ces données.

Pour ce qui est du gouvernement fédéral, le Plan d’action économique mis en œuvre suite à la crise économico-financière a fait passer le solde de gestion d’une situation d’excédent en 2008 à une situation de déficit en 2009. Depuis, ce solde s’est amélioré chaque année, tout en demeurant dans le rouge, la croissance des recettes s’étant chiffrée en moyenne à 3,4 % par année, comparativement à une croissance moyenne des dépenses de 0,2 %. Ces observations illustrent bien la politique d’austérité menée par le gouvernement Conservateur.

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Source : Statistique Canada, Le Quotidien, 19 novembre 2014

En ce qui a trait aux Provinces, le tableau qui se dégage est plutôt surprenant. Mise à part l’Ontario, qui affiche un solde de gestion cumulatif négatif de 84 milliards pour la période de 2008 à 2012, et dans une certaine mesure la Colombie Britannique, les autres Provinces présentent un bilan pratiquement équilibré. Pour le Québec, le solde brut cumulatif de gestion affiche un excédent de 1,5 milliard de 2008 à 2012.  La ventilation du solde par période témoigne du redressement significatif des finances du Québec suite à la récession de 2009.

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Sans doute le tableau serait-il différent si on ajoutait les amortissements aux charges courantes. Selon Statistique Canada, les données sur la consommation de capital fixe, non disponibles pour le moment, seront intégrées ultérieurement, permettant d’établir le solde net de gestion.

On peut inférer de ces données que les déséquilibres budgétaires évoqués par le gouvernement Couillard sont davantage en rapport avec les programmes d’investissements, notamment le Plan québécois des infrastructures (PQI), qu’avec les charges courantes, puisque de ce côté les revenus couvrent les dépenses. De 2008 à 2012, les recettes ont augmenté de 15,6 %, comparativement à 15,1 % pour les charges courantes (dépenses pour la santé, l’éducation, les services sociaux, les intérêts, etc). Cela correspond, pour les dépenses, à un taux annuel moyen de croissance de 3,6 %, un rythme en ligne avec la croissance du PIB. On ne peut donc pas prétendre qu’il y ait eu croissance excessive des dépenses. Même en 2012, où l’on observe une réduction de l’excédent, la croissance des charges n’est pas en cause, celle-ci ayant été limitée à 3,1 %. C’est plutôt une réduction des transferts du fédéral, conjuguée à une baisse ponctuelle des revenus tirés des versements de dividendes, qui a provoqué un tassement des revenus de 0,6 % cette année-là.

Les indications fournies par Statistique Canada sur les finances du Québec laissent à penser que ce sont les charges liées aux investissements (dépenses d’amortissement et intérêts) qui pèsent de plus en plus lourdement sur les équilibres budgétaires. Selon les récents Plans budgétaires, les investissements en infrastructures ont presque doublé depuis 2007 pour atteindre 11,5 milliards cette année. Ces investissements cumulatifs entraînent maintenant des dépenses annuelles d’amortissement et d’intérêts totalisant plus de 7 milliards.

Faut-il dès lors démanteler l’État social comme le gouvernement Couillard s’acharne à le faire en sabrant dans les services publics et les programmes sociaux, tout en amplifiant la tarification ? Cherchez l’erreur.

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