Icône

Aidez-nous à poursuivre notre travail de recherche indépendant

Devenez membre

Le billet vert: notre système de santé et de services sociaux est-il prêt pour faire face à la crise climatique?

25 février 2020

  • Anne Plourde

Dans mon dernier billet, je comparais la réponse rapide et vigoureuse des autorités sanitaires et gouvernementales mondiales face au nouveau coronavirus et leur réaction anémique et peu empressée face à la crise climatique, qui représente pourtant selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) « la plus grande menace pour la santé dans le monde au XXIe siècle ». Mais qu’en est-il du gouvernement et du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) québécois? Sont-ils prêts à faire face à cette urgence de santé publique qu’est la crise climatique ?

Dans ses recommandations, l’OMS insiste évidemment sur l’impératif de prévenir les conséquences les plus dramatiques des bouleversements climatiques sur la santé des populations par des engagements étatiques fermes en faveur de « mesures énergiques et efficaces » de lutte contre les changements climatiques. Néanmoins, en raison de l’inaction des gouvernements au cours des décennies passées, le réchauffement du climat est un processus bien engagé qui fait déjà sentir ses impacts sanitaires et sociaux, comme l’ont tristement illustré au Québec les inondations et canicules des dernières années. Et ces impacts iront nécessairement en s’accroissant puisque même dans le meilleur des scénarios – c’est-à-dire dans le cas d’une réduction d’au minimum 45% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2030 –, un réchauffement d’au moins 1,5°C est désormais inévitable.

Dans ce contexte, des mesures d’adaptation aux changements climatiques doivent impérativement être mises en place. À cet égard, les systèmes de santé sont appelés à jouer un rôle névralgique pour faire face aux besoins sociosanitaires grandissants qui découleront de la multiplication des canicules, feux de forêts, inondations, sécheresses, pénuries de nourriture, épidémies, etc. Dans la dernière édition de son compte à rebours sur la santé et les changements climatiques, la revue médicale The Lancet prévient d’ailleurs le Canada que l’ampleur du réchauffement climatique « risque de perturber l’infrastructure de santé publique essentielle et de surcharger les services de santé. »

Il est donc impératif, et même urgent, que les systèmes de santé se préparent à affronter cette nouvelle réalité. C’est dans cette optique que l’OMS a publié à l’intention des États membres un Cadre opérationnel pour renforcer la résilience des systèmes de santé face au changement climatique. Dans ce rapport, l’OMS insiste notamment sur l’importance, pour les systèmes de santé : 1) de tenter de prévoir les incidences potentielles des changements climatiques sur la santé de la population du territoire; 2) d’évaluer la capacité des infrastructures existantes de santé à répondre aux besoins croissants qui découleront de ces bouleversements; 3) de planifier les investissements supplémentaires (financiers et en ressources humaines) qui seront requis pour faire face à ces besoins grandissants.

Qu’en est-il au Québec?

Tout d’abord, sur le plan de la prévention, le gouvernement du Québec refuse de mettre en œuvre un plan de lutte contre les changements climatiques suffisamment ambitieux pour éviter les pires conséquences sociosanitaires d’un réchauffement planétaire dépassant le seuil critique du 1,5°C. En effet, le ministre de l’Environnement, Benoît Charette, a déclaré qu’il était hors de question pour son gouvernement de se plier aux recommandations du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) et de porter la cible de réduction des gaz à effet de serre du Québec à 45% d’ici 2030.

En ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques, le Québec fait un peu mieux, du moins à première vue. Le gouvernement s’est doté en 2012 d’une Stratégie gouvernementale d’adaptation aux changements climatiques ainsi que d’un Plan d’action sur les changements climatiques. Le « volet santé » de ce plan d’action a été confié au MSSS, qui a lui-même délégué cette responsabilité à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) en 2014. De nombreuses actions, dont la création d’un Observatoire québécois de l’adaptation aux changements climatiques, ont depuis été mises en œuvre.

Une chose frappe – et inquiète – cependant : il semble que les multiples recherches et activités de l’INSPQ en lien avec le climat et la santé ne percolent pas jusque dans les officines du MSSS. Celui-ci paraît en effet complètement déconnecté de l’enjeu majeur et incontournable qu’est l’urgence climatique. Ainsi, loin d’être au cœur du Plan stratégique 2019-2023 du ministère, cet enjeu pourtant prioritaire en est au contraire pratiquement absent. En effet, il n’est mentionné qu’une seule fois, énuméré en introduction parmi d’autres « défis » auxquels fait face le réseau.

Les références aux changements climatiques sont aussi très rares dans la Politique gouvernementale de prévention en santé, alors que l’on sait qu’ils constitueront un des plus importants déterminants de la santé des prochaines décennies. De même, rien n’indique que l’explosion des besoins en ressources humaines que provoqueront les bouleversements climatiques a été pris en compte dans le récent plan d’action déposé par la ministre McCann pour contrer la pénurie de personnel au sein du réseau.

Quant aux publications du MSSS portant sur la santé et l’environnement, elles donnent l’impression que ce sont l’herbe à poux et les punaises de lit – et non la crise climatique – qui représentent les principales menaces à la santé humaine au XXIe siècle. Sans même parler des conséquences de la réforme Barrette (dont il sera question dans un prochain billet), il semblerait donc que la réponse à l’intitulé de ce billet soit : malheureusement, non.

Icône

Restez au fait
des analyses de l’IRIS

Inscrivez-vous à notre infolettre

Abonnez-vous