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Le Fraser calcule avec ses pieds

30 juin 2016

  • FF
    Francis Fortier

En début de semaine, le Fraser Institute présentait les résultats de son étude : «Le Québec vote avec ses pieds». Dans les pages de La Presse de mardi, les auteurs de l’étude nous rappellent, sous un ton un peu alarmiste, que : « [l]e nombre de Québécois ayant décidé de quitter la province annuellement a ainsi dépassé en moyenne de 13 238 le nombre de personnes provenant d’autres provinces qui ont choisi de s’établir au Québec.» Comme nous allons le voir, à la fois le traitement médiatique et les éléments que les différents auteurs de l’étude mettent de l’avant visent plus à conforter leurs thèses néolibérales, qu’à nous informer objectivement des résultats de leur étude.

Comme on le voit à la Figure 2 (graphique pris directement dans l’étude du Fraser Institute à la page 6), le Québec serait la province qui laisse le plus partir ses citoyen·ne·s.

Il y a un choix éditorial important de la part des auteurs d’utiliser spécifiquement ce chiffre. Dans l’article de La Presse, Yanick Labrie, l’un des auteurs de l’étude, insinue que si le Québec fait piètre figure, ce serait dû au «modèle québécois» : soit un niveau d’imposition trop élevé, une dette publique importante, taux d’emploi plus bas que dans les autres provinces. Étrangement, il n’y a aucune référence dans l’étude quant aux choix motivant les personnes qui migrent entre les provinces. Nous ne sommes que devant une hypothèse sans fondement. Surtout qu’il existe des données sur la question et comme il a été démontré dans ce billet, l’impôt n’est pas la première motivation de déménagement pour les personnes à haut revenu. D’où vient cette conclusion?

Les auteurs de l’étude ont de plus effectué un exercice de statistique de base pour faire la comparaison, soit relativiser le nombre absolu, comme il est présenté à la figure 2 ci-haut, avec la taille de la population. Ce sont les résultats que nous obtenons à la figure 8 qui suit et qui provient également de l’étude (p.13)

Les auteurs nous présentent donc dans cet histogramme le flux migratoire sortant par 1000 habitants·e·s. Puisque le Québec est l’une des provinces les plus populeuses, il est normal que celui-ci possède un flux migratoire absolu plus important, mais lorsque l’on relativise le tout, nous voyons plutôt que le Québec est la province, qui en moyenne par 1000 habitant·e·s, possède la plus petite migration sortante. Comme le note aussi l’étude, le Québec possède un flux migratoire entrant plus bas en moyenne que les autres provinces canadiennes.

Que faut-il en conclure? Dans un premier temps, contrairement à la sortie publique des auteurs, le Québec ne fait pas fuir sa population. Elle est la province avec le taux de rétention le plus élevé. Je n’aurai pas la prétention de dire que les personnes restent plus au Québec à cause de son modèle : peut-être que oui, peut-être que non. En tant que chercheur, ce que cette étude m’expose n’est qu’un portrait statistique dans lequel le Québec possède la mobilité interprovinciale (entrante ou sortant) la plus basse au Canada. Maintenant, nous devrions faire des recherches pour expliquer cette situation et non lancer dans l’espace public des considérations idéologiques sans fondement empirique.

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