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Comment répliquer à Foodora ? En créant un nouveau service public

29 avril 2020


On apprenait lundi que la firme multinationale allemande Foodora cesserait ses activités au Canada le mois prochain. L’entreprise, spécialisée dans la livraison de nourriture à domicile, est l’une des représentantes les plus connues du capitalisme de plateforme (auquel l’IRIS consacrait  une note socioéconomique en janvier dernier).

Rappelons que le modèle d’affaires de ces entreprises s’articule autour de plateformes numériques qui mettent en relation des consommateurs et des producteurs de service. En prétendant n’être qu’un intermédiaire et en niant que les personnes qui travaillent à l’aide de ces plateformes leur sont subordonnées, ces entreprises ont jusqu’à maintenant largement réussi à se soustraire aux obligations légales que sont tenus de respecter les employeurs dans une société civilisée.

Une réaction à la syndicalisation ?

Il est difficile de ne pas supposer qu’il existe un lien entre la décision de Foodora de quitter le Canada et celle de la Commission des relations du travail de l’Ontario émise en février dernier. Les livreurs et livreuses de l’entreprise avaient alors obtenu le droit de se syndiquer. Pour ce faire, ils avaient démontré qu’ils constituent bel et bien une main-d’œuvre dépendante de Foodora, entre autres parce que l’employeur leur impose un horaire.

Cette avancée dans le droit du travail faisait suite à celle survenue en Californie à l’automne, où une loi votée par l’État entend forcer les entreprises Uber et Lyft à reconnaître ses travailleurs et travailleuses comme des employé·e·s plutôt que des sous-traitants.

Est-ce que l’annonce de Foodora lundi est un message indirect lancé à d’autres juridictions qui seraient tentées de mieux faire respecter les droits des travailleurs et des travailleuses ? On se souvient du cas très médiatisé de l’entreprise McDonald’s qui, au tournant des années 2000, avait fermé plusieurs restaurants au Québec après que ceux-ci eurent obtenu des accréditations syndicales. Ce que plusieurs ont assimilé à un geste d’intimidation semble avoir servi l’entreprise puisque les campagnes de syndicalisation se sont interrompues peu après.

La précarité n’est pas une fatalité

Est-ce que les travailleurs et les travailleuses précarisés par le capitalisme de plateforme doivent se résigner à plier l’échine et renoncer à leurs droits face aux chantages des puissantes firmes transnationales ?

Tout dépend du rôle que joue l’État. Un État néolibéral soutient la grande entreprise privée et il n’interviendra jamais que pour défendre le strict minimum de protection sur les marchés (et encore, on se demande aujourd’hui de quel minimum il s’agit lorsque le salaire minimum n’offre même pas un revenu viable).

Mais un autre État, programmé celui-là pour défendre l’intérêt collectif plutôt que celui de l’actionnariat privé, pourrait assumer un véritable leadership lorsque des entreprises comme Foodora se montrent odieuses.

Au Royaume-Uni, face aux inquiétudes causées par la pandémie, l’élue Rebecca Long-Bailey proposait de mettre en place une « Coordination nationale de l’alimentation » (National Food Service) à titre de nouveau service social essentiel qui aurait pour mission de superviser l’entièreté de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Le plan prévoyait, entre autres, de recourir au service postal britannique pour livrer, une fois par semaine, des biens essentiels aux ménages. Une telle initiative ouvre la porte à la mise en place d’un service de livraison à domicile public opéré avec l’aide d’une plateforme numérique. Les conditions de travail seraient meilleures et les ressources seraient concentrées sur les services les plus importants, notamment ceux destinés aux personnes vulnérables.

Un leadership public sur cette question ne signifie pas qu’il faille se résigner à multiplier le nombre de structures étatiques désincarnées. Dans l’univers des nouvelles plateformes numérique, une alliance entre un gouvernement progressiste et des entreprises coopératives telles qu’il s’en développe désormais pourrait contribuer à la fois au partage de la richesse et à la démocratisation des entreprises.

Un nouveau service public au Québec

Plusieurs réalisent aujourd’hui que certain·e·s travailleurs et travailleuses qui font des « petits boulots » sont en réalité des « héros » du quotidien. La moindre des choses serait de leur accorder des conditions de travail qui garantissent leur sécurité et ne les destine pas à la misère.

Comme dans le cas des CHSLD, on s’aperçoit toutefois que l’on ne peut compter sur des partenaires privés à but lucratif pour offrir de telles conditions de travail. Le succès de ces entreprises dépend de leur capacité à extraire le plus de valeur possible du travail de leur main-d’œuvre vulnérable. Ils n’ont pas leur place dans les services essentiels et peut-être pas de place tout court dans un système économique intelligent.

C’est pourquoi l’avenue d’un nouveau service public pour répondre aux manœuvres douteuses d’entreprises privées, mais surtout aux besoins sociaux criants tels qu’ils se révèlent à nous dans ce contexte de pandémie, doit désormais être explorée.

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