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CHSLD privés contre publics — L’historique derrière les statistiques

7 juillet 2020

  • Anne Plourde

Dans sa chronique, Francis Vailles relance le débat sur la nationalisation des CHSLD. Il s’appuie sur un article publié la veille où l’on apprenait que les CHSLD privés sont fortement surreprésentés parmi les 10 CHSLD ayant le pire taux de mortalité dû à la COVID-19 : ils occupent la moitié de ce morbide palmarès alors qu’on ne compte qu’environ un tiers de CHSLD privés au Québec.

Toutefois, malgré son titre accrocheur, la chronique de M.  Vailles ne vise pas à exposer les calculs qui lui auraient permis d’évaluer le coût de la nationalisation des CHSLD : le chiffre de 60 millions est celui fourni par le Ministère et on ne connaît pas les paramètres ayant permis d’aboutir à ce résultat. En fait, la plus grande partie de cette chronique (ainsi qu’une partie importante de l’article auquel elle fait référence) a surtout pour effet de relativiser la responsabilité des promoteurs de CHSLD privés dans l’hécatombe que ces centres d’hébergement ont connue.

On y met l’accent sur un « sous-financement » des CHSLD privés non conventionnés par rapport aux CHSLD publics et privés conventionnés. Ce serait donc une « iniquité » dans le financement public du privé qui expliquerait l’incapacité des promoteurs à payer décemment leurs employés, ce qui, par ricochet, aurait contribué à la mortalité élevée dans ces centres.

Ce renversement qui fait porter au secteur public la responsabilité des manquements graves du secteur privé est surprenant.

Après tout, le secteur privé a largement justifié son existence en prétendant « coûter moins cher que le public ». La question est donc : pourquoi choisirait-on de financer publiquement des CHSLD privés s’ils ne permettent même pas de réduire les coûts ?

M. Vailles souligne également que plusieurs CHSLD privés ont fait bonne figure et qu’au total, le taux de mortalité de la COVID-19 dans les CHSLD privés non conventionnés n’est pas beaucoup plus élevé que dans les CHSLD publics (respectivement 12,5 % contre 11,5 %). Il oublie toutefois que l’on compare ici un secteur privé ayant eu la faveur des gouvernements successifs des dernières décennies avec un secteur public qui a dû affronter une crise sanitaire sans précédent après avoir encaissé 40 ans d’assauts presque ininterrompus (sous-financement chronique, vagues d’austérité, réformes successives, etc.).

C’est à l’aune de cette histoire différenciée qu’il faut comparer la capacité respective des CHSLD privés et publics à faire face à la pandémie. Lorsque cette histoire est prise en compte, les résultats observés en CHSLD privés deviennent encore plus troublants.

De plus, le « succès » des différents modèles d’hébergement pour aînés ne peut pas se mesurer uniquement aux statistiques rapportant les décès.

L’accessibilité financière aux services et la reconnaissance salariale du travail essentiel effectué par ceux qui œuvrent auprès des personnes hébergées comptent aussi, et sur ces deux plans, le secteur privé ne fait clairement pas bonne figure.

À trop s’en tenir aux chiffres, on en arrive à suggérer, comme le fait M.  Vailles en conclusion de sa chronique, que les 3500 décès survenus en CHSLD durant la pandémie « règlent » en quelque sorte (ou du moins atténuent) le problème des 3000 places manquantes d’avant l’hécatombe.

En somme, le problème n’est pas « réglé » et la solution ne se trouve pas du côté du secteur privé, conventionné ou non. Nationaliser les CHSLD privés n’est qu’une première étape essentielle pour la mise en place d’un système fonctionnel de soins de longue durée au Québec. Mais on aura besoin de bien plus, soit de services à domicile complets, intégrés à un réseau public décentralisé, démocratisé et financé à la hauteur des besoins réels.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 7 juillet 2020 de La Presse +.

 

 

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