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Bilan de mi-mandat, première partie : l’échec moyen

29 juin 2016


Avec la session parlementaire maintenant terminée, c’est l’heure du bilan de mi-parcours du gouvernement libéral. Examinons à partir de données empiriques ce qui a changé dans les deux dernières années.

Tentons d’abord un bilan basé sur les critères que se donne le gouvernement et observons la fluctuation des indicateurs qui comptent pour lui. Dans la deuxième partie de ce billet, je tenterai de faire un bilan à partir d’autres indicateurs qui sont, à mon avis, plus probants. Pour résumer, nous nous trouvons devant des résultats moyens, sans surprises et sans éclats, mais sans drames non plus. Selon les indicateurs prisés par le gouvernement lui-même, il s’agit d’un bilan banal, ordinaire. Rien ne va très mal, mais rien de va très bien.

Croissance

Comme à peu près tous les gouvernements du monde, le gouvernement du Québec voue un culte à la croissance du produit intérieur brut (PIB), qui serait l’indicateur suprême, une représentation directe de la richesse collective. Nous avons déjà publié une brochure pour remettre en question cette représentation. Voyons cependant comment va la croissance du PIB depuis l’arrivée au pouvoir des libéraux.

Graphique 1 : Croissance du PIB, Québec, 2006 à 2016 (en %)

Source : Institut de la statistique du Québec (ISQ), « 4.1 PIB au prix du marché », Comparaisons interprovinciales, http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/economie/comparaisons-economiques/interprovinciales/

La moyenne des dix dernières années est à 1,35 % de croissance par année. Si on exclut 2009, l’année de la crise qui a vu une baisse du PIB, la moyenne se situe à 1,58 % par année. À l’arrivée au pouvoir des libéraux, les données de 2013 venaient de sortir : 1,2 %, un taux de croissance très bas, mais une amélioration par rapport à 2012.

En 2014, la croissance s’est retrouvée dans la moyenne à 1,5 %. Est-ce grâce aux libéraux qui sont arrivés au pouvoir en avril? Difficile à dire. En 2015, cependant la croissance a redescendu à 1,1 %, le deuxième pire résultat si on exclut l’année de la crise. Enfin, il semble que cette année on retourne à la moyenne.

Bien honnêtement, je trouve toujours injuste de juger un gouvernement sur un indicateur aussi étrange et général que la croissance du PIB, dont les fluctuations dépendent assez peu de l’action gouvernementale (ou alors de façon très indirecte). Toutefois, le gouvernement lui-même considère cet indicateur comme étant primordial, donc on est forcé d’admettre que dans les deux dernières années, le résultat n’est pas très excitant : une mauvaise année et une année moyenne.

Chômage et emploi

Quelle est la performance du Québec sur le plan du taux de chômage au cours des deux dernières années? Le graphique suivant présente l’évolution du taux de chômage dans les dix dernières années. Notons que les données y sont désaisonnalisées, c’est-à-dire qu’on a éliminé les variations saisonnières du taux de chômage pour étudier les tendances lourdes.

Graphique 2 : Taux de chômage désaisonnalisé, Québec, janvier 2006 à mai 2016 (en %)

Source : Statistique Canada, CANSIM, Tableau 282-0087

J’ai ajouté une petite courbe de tendance au graphique. Elle montre une légère hausse en milieu de période, causée par la crise. Par la suite, le chômage est à la baisse. Notons cependant que la tendance la plus marquée pendant les dix dernières années est à une relative stagnation du taux de chômage entre 7 % et 8 %.

Pour toute la période, la moyenne du taux de chômage se situe à 7,7 %. Si on retire la période de crise, elle est plutôt autour de 7,6 %. Une si petite différence montre bien à quel point cet indicateur a varié peu au cours de la dernière décennie. Quelle est la moyenne du taux de chômage sous le gouvernement actuel? Elle se chiffre à 7,6 %. Rien de dramatique, mais rien d’excellent. Dans la moyenne.

Le problème, c’est que le gouvernement a pris un engagement de créer 250 000 emplois au net pendant son mandat. Un engagement ambitieux que l’opposition n’a cesse de lui remettre sous le nez. Examinons la performance du gouvernement sur ce point précis. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les données les plus fiables en matière d’emploi : celles tirées de l’Enquête sur la rémunération, l’emploi et les heures de travail de Statistique Canada.

Si on compte de façon bête et méchante le nombre d’emplois qu’il y avait en avril 2014 quand ce gouvernement est entré au pouvoir et qu’on le compare avec les données de mars 2016 (les dernières disponibles), on arrive à 9 686 emplois de créés depuis deux ans. Cette comparaison est toutefois injuste en raison des variations saisonnières de l’emploi. Comparons donc plutôt la moyenne des emplois de janvier, février et mars 2014 avec la moyenne des mêmes mois en 2016. Le résultat est alors beaucoup mieux : une création de 25 612 emplois. C’est toutefois très loin de la cible des 250 000 emplois.

Ainsi, à mi-parcours, ce gouvernement n’aurait atteint que 10 % de la cible. Un revirement est bien sûr toujours possible, mais il doit être d’une ampleur jamais vue dans les dix dernières années. En effet, une recherche rapide m’a permis de constater qu’entre 2006 et 2008 il s’était créé autour de 92 000 emplois, ce qui semble être la meilleure performance de la décennie. Je n’ai pas fait d’enquête détaillée, mais la création de 225 000 emplois en deux ans, nécessaire à l’atteinte de la cible, semble relever du miracle.

Bref, on peut affirmer sans se tromper que, sur le plan de l’emploi, le Québec fait pour l’instant du surplace. Nous ne sommes ni mieux, ni pire qu’avant, nous sommes simplement à peu près au même point. Devant les promesses libérales cependant, ce résultat moyen ne peut être lu que comme un échec de la stratégie gouvernementale.

Investissements privés

Le gouvernement du Québec aime les investissements privés parce, selon lui et l’économie orthodoxe, ces investissements sont au cœur de la croissance. C’est pour ça qu’à chaque budget il ne cesse d’offrir des crédits, des réductions d’impôts ainsi que des aides et des subventions aux entreprises. Sa thèse est que les entreprises utiliseront ces diminutions de leurs paiements fiscaux pour investir en immobilisation, accroître leur productivité, créer des emplois et faire augmenter la richesse collective.

Le graphique 3 présente la variation de l’investissement privé au Québec dans la dernière décennie. Veuillez noter que je n’ai utilisé que les données sur les immobilisations puisque les données sur les réparations ne sont pas disponibles pour 2015 et 2016.

Graphique 3 : Investissement en immobilisations de la part des entreprises, Québec, 2006 à 2016 (en millions de dollars courants de 2015)

Source : ISQ, Dépenses en immobilisation et réparation par industrie (SCIAN), ensemble du Québec, 2006-2016, http://www.stat.gouv.qc.ca/docs-hmi/statistiques/economie/investissements/prives-publics/ipp_scian_qc.htm

Pour toute la période, l’investissement privé en immobilisations se situe en moyenne à 37,7 milliards de dollars annuellement. Comme le montre bien la courbe, pour le mandat du gouvernement actuel, l’investissement privé est bien plus bas et se chiffre à 34,9 milliards, soit 7 % sous la moyenne de la décennie. Notons que si la situation ne se révèle pas aussi bonne que prévue dans les prévisions de l’ISQ pour 2016, l’écart entre la performance du gouvernement et la moyenne de la dernière décennie sera encore plus imposant.

Un grand succès, ces mesures d’aide aux entreprises.

Exportations

Autre des facteurs déterminants pour mesurer la santé d’une économie selon l’économie orthodoxe : les exportations. Nos entreprises sont-elles si performantes qu’elles envoient des produits partout dans le monde et que nous obtenons en retour des flux financiers qui nous permettent de créer emplois et richesse? Le graphique 4 présente les exportations du Québec depuis 2007. Ce graphique commence une année plus tard que les autres, car les données pour 2006 prenaient trop de temps à trouver pour un simple billet de blogue.

Graphique 4 : Exportations des entreprises, Québec, janvier 2007 à avril 2016 (en millions de dollars constants de 2007)

Source : ISQ, Banque de données des statistiques officielles sur le Québec, Exportations internationales mensuelles désaisonnalisées par sections du système de classification des produits de l’Amérique du Nord (SCPAN), dollars constants de 2007, Québec.

Le gouvernement actuel s’en tire mieux sur ce point, bien que l’absence de 2006 dans mes calculs joue probablement en sa faveur. Les exportations du Québec sont meilleures (en moyenne 6,2 milliards de dollars par année) que la période s’étendant de 2007 au début de 2016 (en moyenne 5,5 milliards par année).

Si le gouvernement se démarque positivement à cet égard, il faut néanmoins apporter une nuance et poser une question. Le regain d’énergie aux États-Unis (notre principal partenaire hors Canada) à partir de 2013 participe beaucoup à la hausse des exportations durant le mandat actuel, et le gouvernement du Québec n’y est pour rien. Par ailleurs, comme les autres indicateurs économiques n’ont pas bougé, serait-ce possible qu’en fait les exportations compensent pour une activité économique moins grande ailleurs (par exemple, du côté des dépenses gouvernementales, restreintes par les compressions)?

Bref, sur quatre, deux résultats moyens (PIB et chômage), un échec (investissements) et un succès (exportations, succès auquel il faut mettre des bémols). Résultat ordinaire, fade et sans surprise, et ce, selon les étalons choisis par le gouvernement, selon ses propres priorités. Devant les monts et les merveilles promis (un « effet libéral » qui stimulerait la croissance, des centaines de milliers d’emplois créés, une relance des investissements privés), force est de constater que ces résultats « moyens » sont en fait les synonymes d’un cuisant échec en matière de stratégie économique.

Lors d’un prochain billet, nous verrons le bilan qu’il est possible de faire de ce gouvernement à partir d’indicateurs qui sont, à mon avis, bien plus intéressants que ceux présentés dans ce billet.

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