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Wall Street sera-t-elle satisfaite du résultat de l’élection?

10 novembre 2016

  • Julia Posca

Selon le magazine Fortune, le secteur financier étasunien aurait globalement versé près de 800 millions de dollars américains à des candidatures ou des partis en vue de l’élection présidentielle aux États-Unis, un montant en hausse de 35 % par rapport à 2008. Et comme on le sait, c’est le camp démocrate qui reçoit la part du lion de cette manne financière. Ceci dit, une victoire de Donald Trump importunerait-elle vraiment Wall Street?

Si l’on ne se fie qu’aux positions des candidat·e·s à la présidence en matière de régulation du secteur financier, il peut être difficile de déterminer lequel de la démocrate ou du républicain serait le plus favorable à Wall Street. Un article du Wall Street Journal (WSJ) rapporte ainsi que, s’il est élu, Donald Trump abrogera la loi Dodd-Frank, adoptée dans la foulée de la crise de 2008. L’industrie financière cherche depuis à en réduire la portée à coup de millions de dollars en activités de lobbyisme.

En même temps, la plateforme républicaine propose de réintroduire la loi Glass-Steagall, qui empêchait depuis 1929 les banques commerciales de mener des activités d’investissement, une manière de réduire leur exposition au risque. La loi a été abrogée en 1999 sous la présidence de Bill Clinton. Une telle proposition n’obtient évidemment pas la faveur de Wall Street, mais les acteurs de la finance ne croient pas vraiment que les républicains mettront une telle menace à exécution.

Hillary Clinton affirmait pour sa part lors d’un débat tenu en janvier dernier : « Aucune banque n’est trop grande pour faire faillite, et aucun individu n’est trop puissant pour aller en prison [No bank is too big to fail, and no individual is too big to jail] ». Elle propose de fait de donner plus de mordant à la loi Dodd-Frank. Or, l’article du WSJ rapporte aussi que derrière des portes closes, la candidate démocrate aurait plutôt avoué que cette loi avait été adoptée pour calmer la population étasunienne et qu’elle représentait pour les banques une contrainte trop importante sur leurs activités de prêt.

Ces contradictions s’expliquent bien simplement. D’un côté, comme le souligne encore le WSJ, la candidate a tissé des liens serrés avec Wall Street durant la présidence de Bill Clinton et durant son mandat de sénatrice de l’État de New York. C’est ce que mettent en lumière également les discours qu’elle a donnés par le passé à l’invitation de grandes banques. De l’autre côté, Clinton doit composer avec un électorat démocrate dont une frange importante appuyait plutôt le sénateur du Vermont, Bernie Sanders, ouvertement en faveur d’une régulation accrue du secteur bancaire.

Plusieurs acteurs de l’industrie financière, comme le président du groupe CME, le plus grand marché de produits dérivés au monde, savent bien que les candidat·e·s défendent en campagne des mesures pour des raisons électoralistes, ce qui ne signifie aucunement qu’elles et ils ont l’intention de les mettre en œuvre une fois élus. Certes, ils redoutent le tempérament bagarreur et le côté imprévisible de Trump, mais l’incertitude se dissiperait assurément une fois le candidat confirmé dans sa nouvelle fonction.

Comme le soutient une analyse produite par une firme spécialisée en gestion d’actifs : « Même si le président Trump demeurait initialement aussi extravagant, provocateur et irréaliste que le candidat Trump, les pouvoirs étendus du Congrès limiteraient ses pouvoirs ». Après tout, il ne fait que surfer sur un certain ressentiment envers les élites qui, comme le soulignait Philippe Fournier du CERIUM, a entre autres été alimenté par les excès de Wall Street.

La finance n’a pas de morale. En revanche, elle a besoin d’un minimum de stabilité pour générer du rendement. On pourrait penser, dès lors, que c’est le processus électoral en lui-même et l’incertitude qui l’accompagne qui font rechigner Wall Street. Ce qui nous pousse aussitôt à nous demander si ce qui est bon pour Wall Street l’est aussi pour « Main Street », l’économie « réelle ». Mais poser la question, c’est déjà y répondre un peu.

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