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Vers la semaine de 30 heures

15 septembre 2016

  • Philippe Hurteau

La Suède a récemment mis en place une politique de réduction du temps de travail. L’objectif est simple : faire en sorte que la journée normale de travail soit établie à six heures. Ce n’est pas rien : par rapport à la norme actuelle de huit heures, on parle d’une diminution d’un quart du temps passé au travail.

Bien sûr, plusieurs voix se lèvent pour contester la validité d’une telle politique. Les entreprises ne seraient pas capables d’assumer les charges salariales supplémentaires, dit-on. Cela compliquerait l’organisation du travail parce que le transfert de connaissances entre un plus grand nombre d’employé·e·s deviendrait chaotique, ajoute-t-on. Et ça continue.

Tous ces risques existent bel et bien. En effet, il faudrait être un peu fou pour penser opérer une réduction drastique des heures travaillées sans que cela comporte son lot de conséquences. Cependant, il faut tout de même rappeler qu’il a tout juste une vingtaine d’années, la semaine normale de travail au Québec était de 44 heures. Aujourd’hui, personne ne peut sérieusement défendre l’idée que le passage à la semaine de 40 heures a été une politique néfaste au final.

Donc loin des scénarios catastrophes, il convient de se demander si, au contraire de ce qui est généralement admis, une réduction du temps de travail ne pourra pas également occasionner des retombées économiques positives. Il n’est pas question de faire le tour de cet enjeu complexe dans un si court texte, mais je peux tout de même pointer vers trois raisons pour lesquelles une réduction bien planifiée du temps de travail pourrait être bénéfique.

1) La première raison évidente est liée à l’absentéisme. Le temps hors travail est tellement court et les obligations sociales et familiales si nombreuses qu’une part non négligeable du temps devant être passé au travail est, déjà, perdu (en moyenne, on parle de dix jours par employé·e·s par année). En organisant une réduction de la semaine de travail, que ce soit en réduisant le nombre d’heures travaillées par jour ou le nombre de jours travaillés par semaine, il serait possible de réduire considérablement le problème des absences non prévues.

2) La seconde raison complète la première. Au-delà du problème de l’absentéisme, il y celui du présentéisme. De quoi s’agit-il? Pour faire simple, disons qu’il est question des heures passées effectivement au travail, mais à ne pas travailler. On parle des après-midi improductive qui suivent un dîner un peu trop gourmand, des matinées où on est à moitié réveillé après une mauvaise nuit de sommeil ou encore au fait de lire ce texte durant vos heures de bureau…

Selon une étude étatsunienne de 2009, il y aurait, pour chaque journée d’absence officielle, deux jours où les salarié·e·s sont présents mais ne travaillent pas. Il faut donc ajouter 20 jours aux dix jours mentionnés au paragraphe précédent. Il y a ainsi, avant tout imprévu majeur, une moyenne de 30 jours perdus par année pour chaque employé·e. Sur les 253 jours ouvrables de 2016, le temps considéré comme du travail, mais qui au fond n’en est pas, représente 11,8 % du total.

3) L’idée est en fait de faire en sorte que le temps passé au travail compte vraiment. Au lieu d’organiser huit longues heures de travail inefficace, pourquoi ne pas miser sur sept ou six heures de travail véritablement productif?

Et bien entendu, tous les arguments économiques passent à côté du véritable enjeu. Le Québec, comme bon nombre d’autres pays, a enregistré d’importants gains de productivité ces dernières années. Malheureusement, ces gains n’ont pas été distribués en salaire, mais se sont plutôt transformés en profit. Une politique de diminution du temps de travail, en plus de revenir sur ce déséquilibre qui ampute le salaire moyen de 6 000 $, pourrait faire bénéficier à tous et à toutes des gains réalisés, non pas sous forme de salaire, mais sous forme de temps libre. L’idée mérite assurément d’être fouillée.

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