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Temps des fêtes et tâches domestiques font bon ménage… pour les femmes

16 décembre 2016


Le temps des fêtes est le moment idéal de l’année pour rappeler, plus particulièrement à celles et à ceux qui n’en sont toujours pas convaincu·e·s, que les femmes effectuent une plus grande part du travail domestique. Ce n’est pas parce qu’on est en congé et qu’on ne se rend pas au travail qu’on ne travaille pas! Oui, redisons-le, même si le travail domestique n’est pas rémunéré, il n’en est pas moins productif!

Cette période de congé pour plusieurs est donc une excellente occasion de se rendre compte de la division genrée des tâches, mais surtout de la répartition inégale du temps qui y est consacré. Les réactions qu’avaient engendrées le billet de blogue et la note publiés par mes collègues Eve-Lyne Couturier et Julia Posca à ce sujet il y a maintenant plus de deux ans justifient un rappel des données disponibles concernant la répartition des tâches domestiques au sein des ménages québécois.

Petit rappel

Dans tous les pays de l’OCDE, sans exception, les femmes effectuent encore et toujours plus de travail domestique que les hommes. Le Canada se positionne tout de même relativement bien : en 2010, pour chaque heure qu’une femme passait à faire du ménage, un homme y consacrait 36 minutes, c’est-à-dire 63 % du temps qu’elle y consacre. Le Québec n’échappe pas à cette tendance.

Comme le rapporte le graphique ci-dessous, malgré une hausse entre 1986 et 2010 du nombre d’heures moyen consacrées aux travaux ménagers et au soin des enfants chez les hommes, les femmes continuent d’accorder plus de temps qu’eux à ces deux activités. De plus, tant les femmes que les hommes consacrent plus de temps qu’avant à l’éducation de leurs enfants. Au final, l’écart entre les genres s’est donc creusé en 25 ans en ce qui a trait au temps dévoué au rôle parental : alors que les femmes y consacraient chaque jour en moyenne 36 minutes de plus que les hommes en 1986, la différence atteignait 54 minutes en 2010.

Le résultat d’un choix rationnel…?

En 2015, les hommes auraient pu cesser de travailler le 9 novembre et auraient gagné en moyenne autant que les femmes travaillant l’année entière. En effet, Statistique Canada a observé tant en 2014 qu’en 2015 un écart de 16 % dans le salaire hebdomadaire médian des hommes et des femmes travaillant à temps plein. Ainsi, sur les 252 jours travaillés par année au Québec, les hommes peuvent en travailler 40 de moins et obtenir le même revenu que les femmes qui en travaillent la totalité.

À la lumière de ces informations, certain·e·s expliquent par un simple calcul de coût d’opportunité, dans ce qu’ils et elles croient être un éclair de génie, les écarts de temps observés. C’est d’ailleurs ainsi que Becker (1973, 1974) décrivait, dans les années 1970, le mariage : comme une source de spécialisation. Dans un couple hétérosexuel, puisque les femmes gagnent un salaire moins élevé que les hommes et que les tâches domestiques doivent s’accomplir, un ménage « maximisant » son utilité (et donc, en quelque sorte, son revenu) aurait avantage à ce que l’homme accorde relativement plus de temps au travail rémunéré et à ce qu’inversement la femme se consacre davantage aux tâches domestiques.

Suivant cette logique, s’il advient que l’homme gagne un salaire moins élevé que sa conjointe, il devrait, en théorie, réaliser plus de travail domestique. Des recherches plus récentes ont démontré qu’en effet, lorsque les revenus de la conjointe augmentent, elle diminue sa contribution aux tâches ménagères, et ce, tant que sa contribution aux revenus du ménage arrive au second rang. Par contre, si la femme devient la principale pourvoyeuse du ménage, cette relation entre revenus et tâches ménagères s’inverse : elle recommence à augmenter sa contribution relative en travail non rémunéré au fur et à mesure que sa rémunération s’accroît, alors que chez l’homme, l’inverse est observé (Greenstein 2000). C’est donc indéniable : il y a un biais genré.

Les discussions au sujet de la répartition des tâches au sein des couples hétérosexuels engendrent des réactions explosives. J’inviterais donc les sceptiques à consulter la littérature scientifique touchant de près ou de loin le sujet (Becker 1973, 1974; Berk 1985; Hochschild et Machung 1989; Brines 1994; Greenstein 2000; Bittman et al. 2003; Aguiar et Hurst 2006; Fernandez et Sevilla-Sanz 2006). Toutes ces études tentent de trouver une explication au phénomène de la répartition, mais toutes leurs observations forcent leurs auteur·e·s à admettre que, oui, les femmes prennent en charge une plus grande part du travail domestique.

Bref, si le doute persiste (oui, mais la tondeuse, la souffleuse! oui, mais le changement d’huile!), profitez du temps des fêtes, qui met en scène cette division inégale par le genre, pour vous en convaincre.

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