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Stratégie 20/20/20 : un pas dans la bonne direction pour l’accessibilité et l’abordabilité du logement

1 novembre 2019

  • Julia Posca

Dans son éditorial du 28 octobre, Brian Myles critiquait le Règlement pour une métropole mixte, la nouvelle stratégie de l’administration Plante pour développer du logement social et abordable sur le territoire de la ville de Montréal, en arguant que celui-ci « est bourré de contraintes qui feront reculer la métropole. » Cette stratégie, connue sous le nom de « 20/20/20 », obligera les promoteurs immobiliers à inclure dans leurs projets 20 % de logements sociaux (projets de 5 unités et plus), 20 % de logements abordables et 20 % de logements familiaux (projets de 50 unités et plus), et ce à compter de janvier 2021.

Le directeur du Devoir affirme que « [l]e volet abordable pose notamment de nombreux problèmes. La Ville n’a pas le pouvoir de contrôler les personnes y ayant accès, ni leurs intentions. » Il avance que « [l]es nouvelles contraintes feront par ailleurs augmenter le prix des logements de 1 à 4 % selon une analyse du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations. » Une lettre de Simon Tremblay-Pepin publiée hier démontait plusieurs des arguments défendus par M. Myles. J’aimerais pour ma part présenter brièvement certaines pistes de solution supplémentaires qui permettrait de mieux protéger le droit au logement à Montréal.

Il convient toutefois d’abord de souligner que la hausse des prix appréhendée par M. Myles – et moult acteurs privés du marché de l’immobilier – est un argument qui a de quoi faire sourciller. En effet, c’est précisément le caractère relativement déréglementé du marché immobilier qui a entraîné dans les deux dernières décennies une explosion des prix des propriétés dans les grandes villes canadiennes (voir le graphique ci-bas).

Source: Statistique Canada. Tableau 18-10-0205-01 Indice des prix des logements neufs, mensuel

Ce n’est pas le seul facteur; la faiblesse des taux hypothécaires y est pour beaucoup, tout comme les politiques du gouvernement fédéral pour accroître l’accès à la propriété, qui ont stimulé la demande des ménages. Cette hausse des prix a poussé plusieurs d’entre eux à s’exiler en banlieue de Montréal, une situation d’ailleurs évoquée par Magdaline Boutros dans les pages du Devoir le 15 octobre dernier. En témoignent aussi les données du dernier recensement canadien, qui font état d’une hausse démographique plus importante dans les villes périphériques que dans les villes centrales entre 2011 et 2016.

La forte demande pour des logements pour propriétaires occupants a en outre contribué à l’érosion du parc locatif à Montréal, les logements en location apparaissant comme moins rentables aux yeux des promoteurs. Les locataires à plus faible revenu se voient ainsi forcés de s’installer toujours plus loin des quartiers centraux. Un récent article de la journaliste Isabelle Hachey à propos d’un projet de résidences de luxe qui chassera des locataires du centre-ville de Saint-Hyacinthe illustre le fait que cette dynamique est à l’œuvre ailleurs au pays.

Dans ce contexte, il est raisonnable de prétendre comme le fait M. Myles que le nouveau règlement montréalais, bien qu’il ait été conçu comme un outil pour limiter le gonflement des prix d’une portion des logements construits dans la métropole, n’aura pas le mordant nécessaire pour protéger indéfiniment l’abordabilité des logements. Pour éviter la spéculation à plus long terme, des mesures fiscales supplémentaires pourraient cependant être envisagées, telles que d’imposer le gain en capital lors de la revente d’une propriété même s’il s’agit de la résidence principale du vendeur. Le taux pourrait être plus élevé pour les non-résidents.

Des avenues plus audacieuses pourraient aussi être explorées. Au Québec, l’organisme Vivacité cherche par exemple à développer des « habitations abordables à perpétuité » en suivant le modèle des fiducies foncières. Cette approche vise à soustraire l’immobilier de la logique du profit pour éviter la surenchère et ainsi limiter le poids financier de l’habitation pour les ménages.

Ajoutons à cela que la Ville pourrait dès maintenant mettre en place de nouvelles mesures pour protéger le parc locatif montréalais, dont l’instauration d’un zonage locatif dans certains quartiers de la ville pour éviter les conversions de logement en copropriété, ainsi que la mise en réserve de certains terrains ou bâtiments pour assurer leur vocation sociale ou communautaire.

Tant qu’elle n’aura pas été appliquée, on ne pourra que spéculer sur les effets de la stratégie 20/20/20. Or, à la lumière des tendances des 20 dernières années, il faut bien admettre qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction et, surtout, que le laisser-faire n’est pas une option viable.

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