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Sans voiture en région, point de salut ?

9 novembre 2018


À partir du 31 décembre 2018, la compagnie Autobus Breton menace de mettre fin à son service de transport interurbain en autocar qui relie Québec et Saint-Georges de Beauce, ainsi que les nombreuses municipalités qui s’alignent sur la route 173. L’entreprise bénéficie d’un monopole sur cette ligne de transport, mais le service est malgré tout déficitaire. Autobus Breton réclame donc une subvention aux trois municipalités régionales de comté (MRC) de la région, un prérequis pour l’obtention d’une aide financière substantielle du ministère des Transports.

Le premier novembre, Le Soleil présentait un portrait élogieux d’Autobus Breton, que l’on qualifie de « réussite économique de nos régions ». Qu’une telle entreprise ait besoin d’être subventionnée par les paliers gouvernementaux régional et provincial pour maintenir un service pour lequel elle n’a pourtant aucun compétiteur direct montre bien la désuétude du système de transport interurbain par autocar.

Un service essentiel

L’industrie est en crise depuis longtemps. Les gouvernements favorisent le règne de la voiture, et le développement des plateformes de covoiturage déstabilise une industrie qui a toujours été protégée de la concurrence. Évidemment, ce sont les personnes utilisatrices qui souffrent des augmentations et modulations de prix, des horaires réduits, des arrêts non desservis ou de la fin des services.

Pourtant, le transport collectif interurbain participe non seulement à l’atteinte des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais il assure aussi une fonction sociale. Ce service est essentiel pour les personnes qui n’ont pas accès à une voiture et qui vivent ou souhaitent se déplacer à l’extérieur des centres urbains.

Dans un article du Devoir criant de vérité, Isabelle Porter parle des « oubliés de la route de la Beauce » qu’elle a rencontrés dans un trajet Québec – Saint-Georges : une adolescente qui vit en centre jeunesse et qui rend visite à sa mère, un homme issu de l’immigration nouvellement installé en Beauce qui suit des cours pour obtenir son permis de conduire, et plusieurs autres qui expliquent en quoi ce service est nécessaire pour briser leur isolement et favoriser leur maintien en région. Cet automne, une Beauceronne a d’ailleurs lancé une pétition en ligne pour demander le maintien du transport interurbain par autobus. Vivant avec un handicap visuel, elle explique pourquoi il s’agit d’un service essentiel pour elle, mais aussi pour d’autres personnes en situation de handicap ou de difficultés passagères, ainsi que pour de plus en plus de personnes âgées.

Subventionner des monopoles privés

La question ne porte donc pas sur l’utilité du service, mais sur la façon dont il est financé, organisé et promu. C’est la Commission des transports du Québec (CTC) qui octroie des droits monopolistiques sur les différentes lignes de transport interurbain prédéterminées à des entreprises soumissionnaires. Environ une quinzaine de compagnies à but lucratif se partagent l’ensemble des lignes du réseau de transport interurbain.

Ces dernières ne reçoivent pas de financement public, mais elles doivent faire approuver leur offre de services (coût, trajet, horaire) par la CTC. En revanche, une panoplie de programmes permettent aux entreprises de réclamer des subventions, par exemple pour maintenir, améliorer, développer de nouveaux services ou même pour contrer l’abandon imminent d’un service.

Dans le cas beauceron, les préfets reconnaissent l’importance du transport interurbain, mais ne considèrent pas devoir financer une compagnie privée à cette fin, d’autant plus qu’Autobus Breton n’aurait ni fourni ses états de compte, ni démontré son plan d’action pour rentabiliser son service. Du moins, c’est ce qu’ils disaient en septembre dernier. Deux MRC ont depuis changé leur position et acceptent finalement de subventionner l’entreprise de transport. Le 14 novembre, nous saurons si la MRC récalcitrante emboîte le pas.

Vers la nationalisation ?

Il y a consensus sur le besoin d’accorder un financement public substantiel pour le service interurbain d’autocar. Même les chefs d’entreprises, ces messieurs Breton, Maheux, Gallant et al. le revendiquent. En revanche, pourquoi maintenir le système de contrats monopolistes octroyés par le gouvernement, ou la « régionalisation des marchés », un système archaïque mis en place dans les années 1930 ? Et comment justifier que le financement public de services d’intérêt général bénéficie à des entreprises à but lucratif ? Une chose est sûre, le Québec gagnerait à se doter d’un plan structurant pour le transport collectif interurbain.

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