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Salaire minimum : pourquoi faire compliqué?

29 juin 2016

  • Philippe Hurteau

Chaque année, le débat entourant le salaire minimum ne dure que quelques semaines avant et après le 1er mai. Autour de la hausse annuelle, qui coïncide avec la Fête internationale des travailleurs et des travailleuses, les partisan·e·s et les opposant·e·s d’une telle mesure déchirent leur chemise sur la place publique.

Dans le coin gauche, dont je suis, on insiste sur le caractère insuffisant du niveau actuel du salaire minimum. En effet, toutes les études sur la question démontrent qu’il n’est pas possible de vivre décemment au Québec quand on occupe un emploi à temps plein à 10,75 $/heure. Dans le coin droit, bien que l’on se désole de la situation, l’accent est mis sur le coût économique d’une hausse trop importante. L’argument est simple : à quoi bon augmenter le salaire minimum si cela occasionne des fermetures d’entreprises et, donc, des pertes d’emplois pour les gens que l’on voulait justement aider?

Cette année, cependant, les choses se déroulent un peu différemment. Bien avant et après le 1er mai, plusieurs groupes ont joint leurs efforts afin de maintenir actif le débat sur la rémunération des salarié·e·s au bas de l’échelle. Il s’agit de la campagne, pilotée entre autres par la FTQ, pour l’augmentation du salaire minimum à 15 $.

Très vite, la résistance s’est organisée. « 15 $! Avez-vous dit 15 $? Êtes-vous complètement timbrés!? C’est une hausse de 40 % d’un seul coup. Assurément, vous voulez tuer des emplois! » J’exagère à peine, mais c’est en gros comme ça que plusieurs représentant·e·s du patronat ont réagi à cette revendication.

Décortiquons un peu les chiffres de la proposition pour y voir plus clair. Tout d’abord, la campagne pour le salaire minimum à 15 $ ne revendique pas que l’on atteigne ce seuil dès l’an prochain, mais bien en 2022. Alors oui, il pourrait y avoir une augmentation de 40 %, mais étalée sur les six prochaines années. Si le gouvernement annonçait dès aujourd’hui son intention d’aller de l’avant sur cette question, il devrait mettre en place des hausses annuelles de 6,7 % par rapport au niveau actuel. Déjà, le mur et ses effets négatifs décriés par la droite est beaucoup moins épeurant.

Mais travaillons encore un peu les chiffres. Depuis dix ans, le salaire minimum augmente en moyenne de 25 ¢ par année. Certaines années, il augmente de 20¢ (comme cette année); d’autres, de 50¢ et, parfois, pas du tout. Ceci dit, au rythme actuel, le salaire minimum sera déjà à 12,55 $ en 2022. La marche à gravir n’est donc pas de 10,75 $ à 15 $, mais de 12,55 $ à 15 $. Par rapport au niveau déjà existant de la croissance du salaire minimum, il suffirait d’ajouter un maigre 3,8 % sur une base annuelle (ce qui équivaut à 46 ¢) pour atteindre la cible visée.

Rappelons que le quart des salarié·e·s au Québec gagne en ce moment moins que 15 $/heure. C’est donc dire que l’amélioration de la qualité vie d’environ un million de personnes, ainsi que leur famille, est à portée de main. Et le meilleur moyen de rendre cette mesure plus facile à accepter pour les entreprises est de commencer dès maintenant en établissant un plan clair, net et prévisible.

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