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Plan Nord: la contestable rigueur de M. Dubuc

30 avril 2012

  • Bertrand Schepper

Le 20 avril dernier, le chroniqueur Alain Dubuc, dans un texte intitulé « Mensonges sur le Plan Nord », prétend que la note intitulée « À qui profite le Plan Nord ? » publiée par l’IRIS et dont je suis l’auteur serait un « torchon » truffé d’erreurs méthodologiques. Afin d’éclairer le débat, je tiens à rectifier certains des propos de monsieur Dubuc qui m’apparaissent infondés.

Monsieur Dubuc conteste les chiffres de l’IRIS sur deux points. Le premier est l’entrée d’argent que le gouvernement recevra en redevances et impôts de toutes sortes sur 25 ans. Nous évaluons ce montant à 14,2 G$ en nous basant sur une étude économique du Mouvement Desjardins. Ce total provient des prévisions d’entrées fiscales du ministère des Finances qui a nécessairement pris en compte l’impact fiscal complet du Plan Nord sur 25 ans. En considérant que pour le moment, les projets présentés par le gouvernement sont quasi exclusivement des projets d’extraction minière et non de transformation des matières premières, il n’est pas surprenant que les prévisions de retours fiscaux ne soient pas très élevées. Avant d’accuser l’IRIS de manquer de rigueur, M. Dubuc aurait pu mieux étayer ses recherches et vérifier d’où provenait cette donnée.

L’autre critique de monsieur Dubuc provient de son impression injustifiée que depuis le «début », les investissements de 80 G$ du Plan Nord ont été énoncés ainsi: 47 G$ d’Hydro-Québec, 30 G$ de l’industrie privée et 3 G$ provenant du gouvernement. Il est étonnant que le chroniqueur de La Presse fasse une telle affirmation, basée sur des hypothèses de travail de l’étude de SECOR, alors que le document officiel du Plan Nord ne fait pas de distinction entre les investissements privés et publics. Pour notre part, nous nous fondions sur des hypothèses émises dans l’espace public sur la division des investissements entre le public et le privé. Plus surprenant encore, près de 1 an après l’annonce du Plan Nord, soit lors du dernier budget provincial, c’est un journaliste de La Presse, Hugo Fontaine, qui a identifié au sein du budget que les 33G$ d’investissements seraient finalement privés et que le gouvernement y ajouterait 2G$ de fonds publics.

Notons que les prévisions de l’IRIS ont été publiées sur le Plan Nord alors que le budget provincial n’avait pas encore été présenté par le gouvernement et que dès que le budget québécois a annoncé ces nouveaux chiffres, nous avons rectifié nos conclusions. Ainsi, lorsque monsieur Dubuc prétend que «depuis le début», la ventilation des investissements du Plan Nord est connue et omet de mentionner que l’IRIS a changé ses conclusions, il manque une fois de plus de rigueur.

Le chroniqueur de La Presse omet également de signaler nos recherches sur les coûts sociaux et écologiques que causera la croissance de la population dans le Nord. Nous évaluons ces coûts supplémentaires à 6,15G$ sur 25 ans, des coûts qui ne seront pas diminués par l’annonce budgétaire. Ces tendances ont été tout récemment confirmées par la Fédération québécoise des municipalités.

Par ailleurs, notons que la part dite «privée» d’investissements présentée lors du budget provincial n’a pas encore été définie, les projets d’investissements se faisant encore attendre. Pour le moment, parmi les quelques annonces d’investissement, on compte le projet de chemin de fer entre Sept-Îles et Schefferville qui sera un partenariat entre le CN et la Caisse de dépôt et placement du Québec et les investissements provenant d’Investissement Québec qui financeront une étude de faisabilité pour la construction d’un gazoduc pour Gaz Métro. Ces projets sont considérés comme privés dans le plan du gouvernement, alors qu’ils sont financés à même des fonds gouvernementaux. Nous pouvons donc craindre légitimement que le Plan Nord propose aux Québécois-e-s de prendre une part importante des risques de développement du Nord alors que les corporations minières engrangeront les profits.

Enfin, les termes utilisés par monsieur Dubuc nous portent à croire qu’il accuse durement et sans vérification les travaux qui ne font pas, comme à lui, l’éloge de la richesse privée au dépend de la richesse collective.

Version allongée du texte publié aujourd’hui dans La Presse.

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