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L’heure est au décrochage

23 mai 2014

  • Guillaume Hébert

Qu’il s’agisse de rigueur budgétaire ou d’austérité, nous savons quelle direction entend prendre le gouvernement de Philippe Couillard dans les prochains mois.

Certain.e.s, l’IRIS notamment, sont d’avis qu’il s’agit d’un très mauvais choix de politique publique. Tel que nous l’anticipions il y a un an, la résorption trop hâtive du déficit budgétaire a nui à la relance économique, amenuisant ainsi les recettes de l’État et contribuant au maintien d’un déficit.

D’autres s’époumonent à faire écho aux nombreuses remises en question des politiques d’austérité qui nous viennent d’Europe et d’ailleurs. Le FMI, l’OCDE, la Commission européenne, les États-Unis ont tous remarqué que l’austérité apparaît comme contre-productive. Les plus dogmatiques des néolibéraux insistent pour garder le cap, mais ces institutions s’effraient de l’instabilité que pourrait générer l’accentuation des conséquences socio-économiques de ces politiques.

Au Québec, est-ce que c’est parce que Philippe Couillard ne s’intéresse plus à l’actualité étrangère depuis qu’il est rentré d’Arabie Saoudite qu’il semble ignorer que le monde entier remet en question l’austérité?

Ou, au contraire, sait-il trop bien ce qu’il fait ?

L’IRIS a montré dans les dernières années comment les politiques néolibérales appliquées depuis 35 ans a contribué à une croissance qui s’est fait aux dépens de travailleuses et de travailleurs qui ont vu leurs revenus stagner.

Or, attaquer, affaiblir, réduire et même éliminer les services publics est une stratégie de développement du néolibéralisme. Les ressources font l’objet d’une redistribution moindre, ce qui favorise leur concentration dans les mains d’une minorité, comme en fait foi l’augmentation conséquente des inégalités.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) qui forme actuellement le gouvernement est le favori de la classe d’affaires, celle qui tient à pousser plus avant la métamorphose néolibérale de l’État soit : moins de services publics, plus de marchés soutenus par l’État. Elle bénéficie directement de cette transformation et par conséquent l’austérité promise par Couillard répond d’abord et avant tout à ses intérêts.

La résolution du déficit a été l’occasion de faire ce travail de sape. On ne l’a pas terminé mais on apprend que cette résorption ne sera pas suffisante puisque le Québec connaîtrait un “déficit structurel”. Pour nous en convaincre, le PLQ a utilisé son vieux truc du comité d’experts qui annoncent l’immense de la catastrophe dans les finances publiques du Québec. Cette fois, c’était le rapport Godbout-Montmarquette. Jadis, c’était Bourassa en 1986 qui commandait les rapports Gobeil, Scowen et Fortier ou encore Charest qui faisait appel à ses quatre Chevaliers de l’apocalypse Gagné, Fortin, Godbout et Montmarquette pour justifier la Révolution tarifaire à venir. (En comparaison, le truc du Parti québécois (PQ), ce sont les sommets dans le cadre desquels le premier ministre ou la première ministre réunit différents acteurs de la société pour leur annoncer le consensus qu’il a préparé pour la société québécoise).

Il n’en demeure pas moins que le résultat est le même : ça va mal, il faut couper, et la population québécoise devra subir ces coupures parce qu’elle est irresponsable, dépensière, paresseuse, etc. On a créé un mécanisme qui se répète et qui chaque fois qu’il se met en marche fait reculer systématiquement l’intérêt collectif aux dépens des intérêts d’une élite d’affaires et d’une minorité qui s’enrichit toujours davantage.

Or, c’est ici que doit s’opérer le décrochage. Il faudra que la population québécoise décroche la toile de fond néolibérale qui obstrue sa compréhension de l’évolution économique du Québec et des rapports de force qu’elle ne crée plus avec la minorité possédante. Sommés d’avaler les  politiques d’austérité, il faut que les Québécoise-s considèrent la « guerre de classes » que Warren Buffet, troisième homme le plus riche du monde, affirme être en train de gagner…

Et depuis un certain nombre d’années, des citoyennes, des citoyens, des mouvements sociaux et des organisations critiques du néolibéralisme distillent justement une critique de l’orthodoxie économique. Leur influence est croissante depuis la crise économique de 2007-2008 et le début d’une apparente stagnation prolongée.

L’austérité donne un nouvel élan à l’opposition au néolibéralisme puisque la formule commence à être usée et les conséquences de plus en plus douloureuses. Signe de cette légitimité déclinante du néolibéralisme, une formation anticapitaliste européenne tel que le parti Syriza en Grèce s’est approché du pouvoir lors des récentes élections locales alors que sa principale figure, Alexis Tsipras, connaît de surcroît une vague de popularité sur ce continent. Au Québec, en avril, les étudiant-e-s avaient déjà amorcé une bataille contre l’austérité en rassemblant plusieurs milliers de personnes au centre-ville de Montréal.

Chose certaine, les politiques envisagées par le gouvernement Couillard ne pourront se faire en douceur. On connaît (et Couillard aussi) aujourd’hui les conséquences du faux remède de l’austérité au chapitre économique. Reste à savoir à quoi ressembleront les effets secondaires sociaux et politiques.

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