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Le gouvernement fédéral est-il responsable du mal-financement des universités?

6 décembre 2013

  • Philippe Hurteau

On se souvient tous et toutes du printemps érable de 2012. Comment ne pas s’en rappeler? De la grève étudiante aux manifestations en passant par les concerts de casseroles, ce printemps a laissé sa trace. À l’arrière-plan de ces événements souvent spectaculaires, un débat de chiffres n’a pas cessé de se tenir. La hausse des droits de scolarité étant le plus souvent justifiée par les besoins financiers des universités, plusieurs, dont l’IRIS, ont fortement critiqué cette manière simpliste de voir les choses.

Pour le dire sommairement, les universités québécoises ne souffrent pas d’un « sous-financement », mais bien d’un « mal-financement ». Une part de plus en plus importante de leur budget va aux projets immobiliers, à la recherche commercialisable et à l’appareil administratif. Bref, le problème n’est pas tant un manque de fonds, mais bien que le financement de l’enseignement, qui est pourtant ce qui doit être au cœur d’une université,  se voit systématiquement marginalisé. Résultat des courses, plus on met de l’argent dans une machine universitaire devenue dysfonctionnelle, plus on aggrave le problème.

Le rôle du fédéral dans tout ça?

Ce qui est intéressant et qu’une analyse détaillée des différents revenus de nos universités permet de voir, c’est le rôle de locomotive du gouvernement fédéral dans les crises à répétition que connaissent les universités tant canadiennes que québécoises. Dans une note publiée ce matin, nous découvrons que les transformations dans les transferts d’argent provenant d’Ottawa sont en fait à l’origine d’une double tendance dangereuse : la commercialisation accrue de la recherche ainsi que l’augmentation des frais de scolarité.  

De 1999 à 2012, le financement fédéral de la recherche a augmenté de près de 2 milliards $, soit une augmentation de 159 %. Ces fonds, loin de servir à alimenter des équipes de recherche indépendante, servent plutôt au financement de projets de partenariat entre les universités et le milieu des affaires. Au point où, dans son budget 2012, le ministre des Finances Jim Flaherty a présenté une vision claire de ce que doit être la recherche universitaire au Canada : le financement fédéral ne doit plus servir à la recherche fondamentale – pourtant seule capable de générer de nouvelles connaissances –, mais doit plutôt se limiter au financement de la recherche appliquée directement commercialisable.

À première vue, on pourrait alors croire que le financement fédéral des universités a beaucoup augmenté au cours des dernières années. Cependant, lorsque l’on prend le temps de regarder ce que finance le gouvernement fédéral, on se rend compte que ça a bien changé. En 1980, le fonds général des universités canadiennes (qui sert principalement à financer leur mission d’enseignement) était financé à 13% par le fédéral. En 2012, cette participation du fédéral avait complètement disparu.

Ingérence fédérale et augmentation des frais de scolarité

En finançant le fonds général des universités, le gouvernement fédéral a du mal à établir ses priorités et ses objectifs au moment de définir l’utilisation des sommes versées. Comme cette responsabilité revient au gouvernement des provinces et à l’administration des universités, il n’est pas étonnant de voir le fédéral délaisser ce type d’implication financière. À l’inverse, le financement de la recherche, qui est plus fragmenté et qui peut être dirigé vers des groupes précis à l’intérieur même des universités, permet au gouvernement fédéral de dicter ses priorités en établissant les critères, les objectifs et les conditions à respecter afin de se voir octroyer du financement.

Le résultat de ce petit jeu est que la majorité des provinces canadiennes ont comblé le retrait du financement général des universités en haussant les frais de scolarité exigés des étudiant.e.s. Si le Québec fait figure d’exception, c’est certainement en raison de la vigueur de son mouvement étudiant. Élément distinctif de notre belle province qui devrait nous réjouir en ce qu’il rend l’éducation universitaire plus accessible.

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