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La nouvelle proposition du gouvernement

27 avril 2012


Donc le gouvernement Charest vient de faire une nouvelle proposition pour sortir de la crise étudiante.

Les mesures chiffrées

D’abord il propose un étalement de la hausse des frais de scolarité de 5 à 7 ans. Cette hausse inclut l’inflation des deux années supplémentaires et fait donc passer la hausse totale de 1625$ à 1779$. Gérald Fillion l’explique bien sur son blogue.

Le gouvernement se propose aussi d’offrir pour 39 M$ de bourses supplémentaires qui seront accessible aux ménages de moins de 45 000$. Le gouvernement affirme que cette hausse des bourses ne coûtera rien aux contribuables car elle sera prise à même le crédit d’impôt pour les frais de scolarité. Le crédit d’impôt coûte au gouvernement environ 140 M$ et il sera donc réduit de près de 30% en terme de montant octroyé. Le crédit lui-même passera de 20% des frais de scolarités payés à 16,5%.

Nul ne doute que des bourses sont plus intéressantes que des crédits d’impôts (celles-ci viennent immédiatement, ceux-ci viennent après la dépense). Cependant, on ne peut pas considérer ces bourses comme ayant un effet complètement « neuf » sur l’accessibilité. En effet, des familles qui se disaient « je vais payer pour les études de mon enfant car j’aurai un crédit d’impôt », trouveront l’argument maintenant moins convaincant. Cela atténue, sans à notre avis l’effacer, l’effet des nouvelles bourses.

D’ailleurs, le 5 avril dernier, la ministre de l’éducation avait déjà annoncé une hausse des prêts qui serait financée à même le plan de financement des universités – qu’elles devraient compenser en allant chercher plus de dons. Donc dans les mesures chiffrées, celles-ci comme les précédentes, le gouvernement ne met aucun argent neuf sur la table, il procède seulement à quelques opérations comptables, parfois légèrement avantageuses, de transferts de fonds.

Les mesures non-chiffrées

Deux éléments moins mis de l’avant dans la « solution globale » gouvernementale d’aujourd’hui car ils avaient été déjà présentés le 5 avril sont en réalité des reculs importants. Il s’agit de mesures que le gouvernement souhaitait mettre en place bien avant la grève étudiante. Déjà en 2005, le ministre Pierre Reid avait cherché, sans succès, à instaurer le remboursement proportionnel au revenu (RPR). Le RPR est un dispositif essentiel à toute réforme néolibérale de l’éducation. Comme le remboursement s’adapte aux revenus des étudiant-es, ceux-ci sont encouragés à accumuler plus de dettes et même à laisser passer des hausses de frais qui n’ont que peu d’effets visibles sur leurs revenus présents. Le RPR fait donc gonfler l’endettement étudiant et permet de hausser les frais de scolarité ad infinitum comme l’illustre l’Angleterre qui a connu des hausses de frais successives depuis l’instauration de cette mesure. Le RPR est un passeport pour l’endettement, et on voit mal en quoi il fait partie de quelque « solution ». Il vient, au contraire, accentuer le problème.

Comme nous le disions ailleurs, la mise en place d’une Commission d’évaluation des universités du Québec (CÉUQ) est elle aussi souhaitée par le gouvernement depuis au moins 2009. Celui-ci cherche à imiter les mécanismes d’évaluation et « d’assurance-qualité » qu’on trouve en Europe, et où c’est la performance des universités qui détermine leur financement en enseignement et en recherche. Ces nouvelles mesures de gouvernance et d’évaluation systématique signifient une augmentation de la surveillance et du contrôle sur les professeur-es sous prétexte de « bonne gestion ». Dans les faits, il s’agit de créer un nouveau pouvoir d’expertise externe qui pourra soumettre les universités à de nouvelles normes de « qualité » et de « pertinence » déterminées largement par la conception marchande de l’université qui est celle des néolibéraux et ce qui ne manquera pas d’ajouter une couche de processus bureaucratique dans l’appareil universitaire.

La hausse des frais de scolarité, la réforme de la gouvernance et l’instauration de mécanismes d’évaluation des pratiques en continu sont les trois piliers du processus de Bologne, qui préside à la privatisation de la mission des universités d’Europe. On voit apparaître les mêmes mécanismes au Québec.

Au final, on a d’un côté, des changements comptables où aucun argent neuf n’est ajouté par le ministère et, de l’autre, des propositions qui étaient déjà dans les cartons du gouvernement depuis belle lurette. Étonnamment, le tout est présenté comme le résultat d’un compromis et d’une négociation.

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