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L’arrogance

1 décembre 2016

  • Julia Posca

On apprenait la semaine dernière, dans le cadre de la parution du Bilan-Faim 2016 de Moisson Montréal, que la fréquentation des banques alimentaires avait connu une hausse de 8 % par rapport à 2015 dans la métropole, sur la Rive-Sud et à Laval. L’organisme ramasse puis distribue des dons alimentaires à des organismes communautaires de l’île de Montréal.

En plus de cette augmentation de la demande, il souligne aussi que « le visage de la faim change » :

Alors que la clientèle des banques alimentaires était traditionnellement constituée de personnes en situation d’itinérance ou prestataires d’aide sociale, on observe de plus en plus de jeunes familles, d’étudiants et de travailleurs qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts et qui se voient dans l’obligation d’avoir recours à une aide alimentaire.

Pendant ce temps, les dons ont pourtant eu tendance à diminuer, forçant Moisson Montréal à demander à la population, à l’approche des Fêtes et de la Grande Guignolée des médias, de redoubler de générosité.

Ce triste bilan survient exactement deux semaines après que l’Assemblée nationale ait adopté le projet de loi 70 qui modifie les modalités d’octroi de l’aide sociale aux personnes qui font une première demande et sont aptes au travail. Ces individus dans le besoin devront dorénavant participer au programme Objectif emploi et accepter tout emploi « convenable » situé dans un rayon de 300 kilomètres de leur lieu de résidence, sous peine de voir leur chèque mensuel passer d’un maigre 623 $ à un famélique 399 $. Le tout pour des économies annuelles de l’ordre de 50 millions de dollars. Un vrai pactole, quoi.

Les auteurs de la loi ne peuvent ignorer que ce programme, même s’il forcera certaines personnes à accepter un emploi, ne contribuera pas à les sortir de la pauvreté. Or, puisque leur ambition pourrait en fait consister à préparer le terrain à l’instauration d’un revenu minimum garanti comme moyen de réduire les autres interventions de l’État, ils n’ont guère à s’en soucier. Tout comme ils n’ont pas à se soucier, calculent-ils probablement, du sort des plus pauvres, puisque les personnes démunies n’ont jamais fait gagner d’élections à personne.

Lorsque Sam Hamad, alors ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, avait présenté cette nouvelle mouture de l’aide sociale à l’automne 2015, il avait affirmé que les contribuables québécois faisaient montre de solidarité en finançant un tel programme. Il était donc temps, soutenait-il, que les bénéficiaires de l’aide sociale fassent davantage d’efforts pour intégrer le marché du travail et pour cesser de dépendre de l’aide gouvernementale.

Quelle déception de constater que nos élu·e·s élaborent des politiques publiques à partir d’un ramassis de préjugés et d’un détournement de la signification de la solidarité sociale. Cependant, on ne peut plus s’étonner qu’un gouvernement qui croule sous les allégations de corruption cherche à faire diversion en liguant les unes contre les autres des personnes qui, d’un côté, vivent sous le seuil de la pauvreté même lorsqu’elles travaillent, et de l’autre, des salarié·e·s de classe moyenne qui ne maintiennent leur niveau de vie que parce qu’ils ont recours au crédit. Un gouvernement dirigé de surcroît par un riche médecin qui n’aura jamais à franchir la porte d’une banque alimentaire pour manger à sa faim. On ne peut en fait que s’en désoler, et espérer que cette arrogance tire bientôt à sa fin.

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