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Accords commerciaux et corruption

16 novembre 2012


Les négociations de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) vont bon train.  Plusieurs questions majeures pour l’avenir du Québec y sont discutées, notamment les conditions permettant aux entreprises européennes de soumissionner sur les contrats de fourniture, de services et de construction provenant de l’État québécois.

S’ils sont entérinés, ces accords tels que présentés lors de la rencontre entre le gouvernement et les acteurs sociaux du 5 octobre dernier permettront aux entreprises européennes de soumissionner aux demandes de services et de fourniture provenant des gouvernements sur tous les contrats de plus de 315 000$. De plus,  les entreprises européennes auront la possibilité de soumissionner sur les contrats gouvernementaux en infrastructure d’une valeur équivalente ou supérieure à 8,15 millions de dollars.

Les défenseurs du développement économique local y voient une attaque directe contre le principe du développement durable.   Les entreprises locales qui offrent des services généralement moins polluants et qui offrent des emplois régionaux seront mises en compétition avec les multinationales européennes pour les contrats provenant des différents gouvernements ou municipalités. À l’opposé, les tenants de la libéralisation des marchés voient dans cette compétition une bonne manière de diminuer les coûts d’achat du gouvernement et des institutions publiques.

Un des arguments de ces derniers qui est d’ailleurs repris par le négociateur en chef du Québec, Pierre-Marc Johnson,  est que lorsque les marchés publics seront ouverts à la compétition européenne, il sera plus aisé de faire la lutte à la corruption.  Monsieur Johnson postule qu’en augmentant le nombre de soumissionnaires sur un contrat donné les gouvernements minimisent les risques de collusion entre les soumissionnaires. Voyons si cette affirmation se vérifie.

Le Québec découvre peu à peu l’ampleur et la structure du système de corruption qui semble bien établi tant au niveau du gouvernement municipal que provincial. La réduction de la corruption semble un argument très pertinent et intéressant dans ce contexte. Cependant, l’argument selon lequel nous pourrions réduire cette corruption grâce aux traités de libre-échange semble prêter flanc à deux remarques.

La première est, tout simplement, qu’il est totalement candide de penser que les entreprises multinationales ne pratiquent pas la corruption à l’échelle internationale. En fait, un rapport du groupe Transparency International à propos de la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption fait état que : « Avec 144 nouvelles affaires en 2011, le nombre total d’affaires [de corruption] ayant fait l’objet de poursuites par 37 grands exportateurs est passé de 564 fin 2010 à 708 fin 2011. En outre, 286 enquêtes sont en cours. » La corruption n’est donc pas un monopole des entreprises nationales.

De plus, si la présence de nouveaux joueurs (nationaux ou internationaux) peut briser des cartels de corruption comme on semble en voir en ce moment au Québec, rien n’empêche ceux-ci de se reformer par la suite en intégrant les nouveaux joueurs. Encore faut-il, d’ailleurs, que les cartels soient brisés. S’il s’agit d’entente sur les prix face à une règle du plus bas soumissionnaire, un système de corruption bien huilé peut toujours s’arranger pour battre des soumissions très basses quitte à faire des dépassements de coûts par la suite.

Ajoutons une petite réflexion ironique sur cet argument de M. Johnson. En théorie, les accords internationaux sont intéressants, car ils permettent à nos entreprises québécoises d’aller décrocher des contrats à l’étranger. Ces derniers, beaucoup de gros joueurs québécois dans le domaine de l’ingénierie (ceux qui seront très intéressés par les contrats publics européens) semblent avoir trempé dans des histoires louches depuis un bon moment. Serait-il possible, en fait, que ce soit la corruption même qu’on veut combattre par les traités internationaux qui aurait permis de donner les assises financières suffisantes à nos entreprises nationales pour qu’elles puissent en profiter? Peut-on même penser que les pratiques raffinées de corruption et de collusion feront partie de ce qu’elles exportent (et exporteront plus encore grâce à cet accord) quand elles vont à l’étranger?

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