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À l’intérieur d’un camp de réfugié·e·s grec

14 juillet 2016

  • JM
    Julien Mercille

La crise des réfugié·e·s fait rage en Europe. La foire aux questions ci-dessous aide à comprendre ce qui se passe. Elle est suivie d’un résumé de ma récente visite à Athènes, en Grèce, où j’ai visité plusieurs camps de réfugié·e·s.

Combien de personnes réfugiées ont traversé la mer Méditerranée?

Depuis 2015, elles sont 1,2 million à avoir effectué le périlleux voyage. La majorité (1 million) est arrivée en Grèce.

D’où viennent-elles?

La plupart viennent de la Syrie, de l’Afghanistan et de l’Irak.

Pourquoi viennent-elles en Europe?

La plupart échappent à la violence et à la guerre dans leur pays d’origine.

Combien sont mortes dans la Méditerranée?

Depuis 2015, on a recensé 5 146 décès.[1]

Combien sont maintenant en Grèce?

On retrouve 54 000 personnes réparties dans environ 40 camps, incluant ceux situés sur les îles grecques. Leur degré de propreté et les services offerts varient.

Quelle stratégie l’Europe a-t-elle adoptée à l’égard des personnes réfugiées?

Quatre programmes ont été mis en place :

1. Relocalisation : 160 000 personnes réfugiées en Grèce et en Italie seront relocalisées vers d’autres pays de l’Union européenne (UE). Cependant, jusqu’à maintenant, seulement 1 500 ont été relocalisées.

2. Réinstallation : 22 000 individus présentement dans des pays extérieurs à l’UE et nécessitant une protection internationale seront réinstallés dans des États membres. Jusqu’à présent, 6 155 personnes ont été relocalisées.

3. Accord UE-Turquie : Cet accord convient que pour chaque ressortissant·e syrien·ne retourné·e en Turquie à partir des îles grecques, une autre personne réfugiée en Turquie sera directement réinstallée dans un pays de l’UE. Jusqu’à présent, plus de 300 personnes ont été renvoyées en Turquie, et 117 en provenance de la Turquie ont été réinstallées dans des pays de l’UE.

Cependant, de nombreuses organisations humanitaires ont fortement dénoncé ce plan, le présentant comme illégal et immoral. En effet, la Turquie n’est pas un pays sécuritaire pour les personnes réfugiées : elle a expulsé et même fait feu sur des Syrien·ne·s.

4. Procédure normale de demande d’asile : Les personnes réfugiées qui arrivent dans un pays de l’UE peuvent faire une demande d’asile. Le nombre de demandes a augmenté drastiquement. Par exemple, 1,3 millions de demandes d’asile ont été effectuées à l’intérieur de l’UE en 2015, mais seulement 310 000 ont été acceptées. L’Allemagne en a accepté le plus grand nombre (140 000).

À l’intérieur d’un camp de réfugié·e·s grec

Il y a présentement 54 000 personnes migrantes et réfugiées en Grèce, dans quelque 40 camps. Lors de ma dernière visite au pays, j’ai exploré plusieurs de ces camps. Le plus intéressant est celui d’Elliniko, réputé comme le pire d’Athènes pour les conditions de vie. Les journalistes et organisations humanitaires n’y ont peu ou pas accès.

Elliniko est en fait constitué de trois camps, surnommés « Baseball », « Hockey » et « Domestic Arrivals » parce qu’ils sont construits sur le site des Jeux olympiques de 2004, lui-même situé sur un ancien aéroport. Les infrastructures sportives et aéroportuaires ont été préservées. Les personnes réfugiées sont donc entassées directement sur les terrains de baseball et de hockey sur gazon olympiques ainsi que dans l’ancien terminal de l’aéroport.

L’endroit est surréel. Il a la taille d’un aéroport désert, sans aucune végétation, et il est délimité par des barbelés. Un gros Boeing 747 de la Olympic Airlines se retrouve toujours sur la piste, ses couleurs pâlies par le soleil.

Le camp a été établi en décembre 2015 et regroupe maintenant plus de 4 000 Afghan·e·s. Ces personnes ne peuvent poursuivre leur route vers l’Europe puisqu’on les a redésignées comme n’ayant pas besoin de protection internationale, ce qui est largement faux. Personne ne sait ce qui leur arrivera. Elles attendent ici, dans un no man’s land, et pourraient bien être rapatriées dans leur pays sous peu.

Autour et à l’intérieur du terminal se trouve une centaine de tentes de camping dans lesquelles vivent les personnes réfugiées. Tout près se trouve l’entrepôt central qui fournit les vivres pour les autres camps d’Athènes.

Le nombre de boîtes est tout à fait impressionnant et démontre à quel point l’opération tout entière est soutenue par des bénévoles et des dons provenant de partout en Europe.

L’entrepôt représente l’un des paradoxes de la crise. Celle-ci est largement créée par l’UE, qui a fermé ses frontières et restreint le nombre de personnes réfugiées pouvant être acceptées, même si l’Europe est un continent riche qui pourrait facilement les accueillir. En contrepartie, la crise a généré une vague de sympathie humaine provenant des quatre coins de l’Europe, très évidente de par les piles de biens reçus à l’entrepôt.

Dans les camps Baseball et Hockey, gérés par l’armée grecque, se trouvent près de 150 tentes blanches des Nations unies, où y vivent des enfants et des adultes, quelques-uns s’étant aussi installés dans les gradins.

Les conditions ne sont pas gaies. Les réfugié·e·s se plaignent que personne ne nettoie les toilettes, les odeurs sont difficiles à endurer, et plusieurs sont malades. En effet, des Afghan·e·s ont manifesté récemment avec des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Let us go », « Please open the borders » et « European Union: Why racism? » (« Laissez-nous partir », « S’il vous plaît, ouvrez les frontières » et « UE : pourquoi ce racisme? »).

Néanmoins, plusieurs bénévoles ont souligné avoir été témoins d’améliorations sous le gouvernement Syriza. Alors que le gouvernement précédent, celui du parti Nouvelle Démocratie, maltraîtait physiquement les personnes réfugiées si elles protestaient ou s’il y avait des échauffourées entre elles, Syriza, au moins, agit avec elles de façon plus douce.

Syriza adopte également dans ses prises de parole publiques un discours humanitaire, ce qui a pour effet de ne pas encourager les groupes anti-immigrants. Le gouvernement précédent tenait des propos plus explicitement négatifs envers les personnes immigrantes, jetant de l’huile sur le feu.

Malgré tout cela, Syriza n’est pas angélique. Le parti de gauche a mis en place les stratégies de l’UE, qui ne s’est pas attaquée sérieusement à la crise, violant plutôt les droits des personnes réfugiées, par exemple, lorsque des centaines ont été déportées en Turquie.

La crise évolue de jour en jour. Elle sera résolue quand l’UE voudra bien la résoudre.


[1]         Les Nations unies publient des données qu’elles mettent fréquemment à jour à l’adresse suivante : http://data.unhcr.org/mediterranean/regional.php.

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