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Infaillibles, les banques canadiennes ?

20 mai 2017


La semaine dernière, on apprenait que l’agence de notation Moody’s abaissait la cote des six grandes banques canadiennes. Le système bancaire canadien, soi-disant infaillible, montre maintenant quelques signes de faiblesse. Les raisons de la décote : la hausse de prix de l’immobilier et l’endettement des consommateurs et consommatrices. Ainsi, la Banque du Canada pourrait entrevoir une hausse des taux d’intérêts pour calmer l’appétit pour les emprunts et conséquemment ralentir la progression de l’endettement des ménages. Néanmoins, cette hausse ralentirait la consommation des ménages, qui est le moteur de la croissance du produit intérieur brut (PIB) canadien et, de manière plus problématique, elle pourrait acculer de nombreux ménages à la faillite.

La nouvelle de la décote des banques canadiennes indique qu’elles jouent avec le feu. À moins de faire preuve d’une confiance aveugle envers le système bancaire canadien, ça n’a rien de surprenant. Depuis la crise de 2008, nombreux sont ceux et celles qui s’imaginent que l’environnement peu compétitif dans lequel opèrent les banques canadiennes nous met à l’abris des risques d’une éventuelle crise.. Mais le système bancaire canadien a beau être moins dérégulé, cela n’empêche pas aujourd’hui cette décote puis que plusieurs se demandent si le niveau d’endettement des ménages canadiens est soutenable.

Le valeureux système bancaire canadien ne nous a pas donc pas prémuni contre la menace que fait planer une bulle sur le marché immobilier.

Au cours des dix dernières années, les gouvernements ont tenté de la contrer en resserrant les règles hypothécaires à plusieurs reprises, en particulier pour les ménages présentant les plus hauts taux d’endettement. Pour ce faire, ils ont diminué la période d’amortissement et imposé une simulation de crise aux premiers acheteurs et acheteuses, ce qui a diminué le montant du prêt auxquels ils et elles ont accès.

Ils se sont donc beaucoup préoccupés de cette catégorie d’acheteurs, mais de façon souvent incohérente. Le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait cherché à réduire l’endettement hypothécaire excessif, mais avait tout de même incité l’endettement des ménages avec des mesures comme le crédit d’impôt à la rénovation.

Ce n’est que l’an dernier qu’on a observé au Canada les manifestations de premières volontés concrètes de s’attaquer à une autre acteur du marché immobilier : les acheteuses et acheteurs spéculatifs.

À Vancouver d’abord, le gouvernement provincial a imposé une taxe pour les acheteuses et acheteurs non-résidents. Puis, avec une hausse annuelle de 33 % du prix moyen des maisons dans la grande région de Toronto, l’Ontario a emboité le pas et s’est lancé à son tour dans la chasse aux spéculateurs et spéculatrices en imposant une taxe de 15 % aux acheteuses et acheteurs non-résidents. Le gouvernement provincial ontarien s’est également donné la possibilité de taxer les propriétés vacantes – avec une telle évolution des prix, même plus besoin qu’une personne occupe l’espace pour le rentabiliser– ainsi que des mesures pour stimuler l’offre de logements abordables.

Le ministre des Finances québécois, M. Leitão, ne semble toutefois pas trop craindre un effet domino à Montréal. Pourtant, si la spéculation est découragée à Vancouver et à Toronto, ses adeptes pourront être tentés d’acheter ailleurs, notamment dans la métropole québécoise. Ainsi, même si le nombre d’acheteuses et d’acheteurs non résidents est faible, il est à la hausse. Et comme M. Leitão le dit lui-même : « Cette forte ébullition spéculative est due à des investisseurs étrangers, mais aussi aux investisseurs locaux. Ce serait trop court comme réponse de mettre tout ça sur le dos des étrangers ».

Alors, comment au Québec peut-on se prémunir contre la flambée des loyers que vivent actuellement les habitant·e·s de la grande région de Toronto si l’on admet que le risque spéculatif n’est pas nécessairement dû à des investisseurs étrangers? Certainement pas avec un parc immobilier de condominiums comme celui qui s’est formé à Montréal.

Une solution toute simple serait de stimuler la construction de logements abordables et de financer la construction de logements sociaux. Non seulement le gouvernement comblerait des besoins concrets, il créerait une sorte de bouclier face à l’impact possible des nouvelles mesures ontariennes sur le marché montréalais. Le gouvernement provincial ou la ville de Montréal pourraient également donner suite aux demandes de groupes socioéconomiques qui revendiquent la création de réserves foncières pour le développement de logement social ou communautaire.

Quant aux banques canadiennes, rappelons que, dans tout ce désordre, elles ne cessent d’engranger des profits records année après année : pas moins de 10 milliards l’an dernier. C’est notamment la vulnérabilité grandissante des ménages canadiens qui rend possible cette profitabilité. Le besoin de se loger demeure quoiqu’il advienne, et les architectes de ce risque en bénéficient sans trop de scrupule. Il est grand temps de mettre en place une réelle stratégie d’aménagement de parcs de logements locatifs abordables au Québec… Ou attendrons-nous simplement que la bulle « pète »?

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